Sortie du single « Mawa na bolingo »
Le 24 octobre, la voix feutrée de Privat Kaporedji a résonné sur Spotify, Boomplay et YouTube avec « Mawa na bolingo ». Ce nouveau single, façonné par l’écurie brazzavilloise CNF Music, s’est hissé en quelques heures dans les tendances musique du pays.
Dans cette ballade d’un peu plus de quatre minutes, la guitare acoustique se mêle à des percussions légères et à un chœur discret, laissant toute la place au récit. Le mixage, volontairement aéré, amplifie chaque souffle pour que l’émotion reste au premier plan.
Collaboration avec CNF Music
Le producteur Christian Ngoma, fondateur de CNF Music, explique avoir laissé l’artiste « respirer » en studio. « Nous avons gardé la première prise vocale parce qu’elle vibrait d’authenticité », confie-t-il, louant la capacité du chanteur à transformer une fragilité intime en force.
Le processus d’enregistrement s’est déroulé sur trois nuits uniquement, signe d’une alchimie instantanée. Le mastering, réalisé à Pointe-Noire, a conservé les micro-aspérités de la voix plutôt que de les gommer, afin de respecter l’esthétique minimaliste chère à Kaporedji.
La tristesse comme moteur créatif
Comme le titre l’indique, « Mawa na bolingo » explore la tristesse amoureuse. Les lyrics, moitié lingala moitié français, dépeignent un amour déserté sans explication. Chaque couplet se termine sur un silence pesant, moment suspendu où l’auditeur complète lui-même le récit.
Cette écriture suggérée s’inspire des griots urbains de Bacongo, quartier où l’artiste a grandi. Plutôt que d’accuser, il évoque les rideaux qui se ferment, les rues qui s’allongent, offrant une métaphore ouverte à toutes les ruptures, qu’elles soient sentimentales ou amicales.
« Mon but n’était pas de faire pleurer, mais de rendre la peine audible », précise Kaporedji. Selon le psychologue musical Alain Bihia, la chanson répond à un besoin collectif d’introspection après les turbulences sociales récentes, transformant la douleur individuelle en catharsis partagée.
Le parcours discret de Privat Kaporedji
Né à Makélékélé en 1992, Privat Kaporedji s’est formé dans les chorales de lycée avant d’apprendre la guitare sur le tas, en échangeant des tutoriels sur WhatsApp. Ses premières scènes se limitaient aux cafés-concerts du centre-ville, où il séduisait par sa voix rauque.
Refusant les concours téléréalité, il choisit la voie indépendante, lançant en 2019 un EP autoproduit, diffusé gratuitement via Telegram. Le bouche-à-oreille digital lui offre une communauté soudée qui le suit aujourd’hui à chaque sortie, multiplicateur de partages sur TikTok et Reels.
La signature chez CNF Music en 2022 ne change pas son ADN. « On ne touche pas à mon carnet de notes », aurait-il posé comme première condition. Le label, en quête de talents authentiques pour diversifier son catalogue, a accepté ce pacte créatif.
Des scènes intimistes aux plateformes globales
Jusqu’ici, Kaporedji privilégiait les scènes intimistes : maison de quartier, festival Jazz Kiff, sessions unplugged filmées à la bougie. « Je veux entendre le souffle du public », répète-il souvent. Cette proximité nourrit l’écriture, chaque concert lui offrant de nouvelles histoires.
La mise en ligne simultanée sur les principales plateformes, stratégie orchestrée par CNF Music, marque toutefois un tournant. En moins d’une semaine, la vidéo lyrics approche les 120 000 vues, alimentée par des challenges de danse douce et des duos d’influenceurs.
Spotify relève déjà une écoute significative depuis Paris et Montréal, prouvant la curiosité de la diaspora. Pour l’analyste streaming Diane Ovon, cet écho montre « qu’un récit ancré localement peut voyager, dès lors qu’il est sincère et porté par une production soignée ».
Réaction du public et ambitions 2024
À Brazzaville, des radios comme Télé 50 FM intègrent le titre en rotation diurne, réputée la plus exposée. Les appels des auditeurs soulignent la dimension thérapeutique de la chanson, certains remerciant l’artiste d’avoir « mis des notes sur leur silence ».
Kaporedji prévoit une version live enregistrée sur le toit d’un immeuble du centre-ville, au lever du soleil, afin de capter la capitale encore endormie. L’EP prévu pour 2024 devrait poursuivre la même veine intimiste, avec des collaborations tenues secrètes.
Le chanteur espère également une tournée acoustique dans les instituts culturels de la sous-région. L’idée est d’échanger avec les publics, ateliers d’écriture à la clé, pour montrer comment transformer des blessures affectives en matière poétique, sans glamouriser la souffrance.
Une chanson miroir pour une génération connectée
Si « Mawa na bolingo » trouve un tel écho, c’est aussi parce qu’il épouse le tempo des réseaux sociaux, friands d’expressions vraies. Les extraits partagés en story servent de bande-son à des vidéos personnelles, créant une chaîne de confidences numériques.
En remettant la douceur au centre d’un paysage dominé par l’afro-club, Privat Kaporedji rappelle que la rumba douce, patrimoine national, possède encore de belles heures devant elle. Sa chanson, simple et directe, réhabilite l’idée que chaque vulnérabilité mérite sa propre mélodie.