Un programme héritier de Lisungi pour une nouvelle génération
Au terme d’une décennie marquée par des crises sanitaires et économiques successives, le Congo-Brazzaville a choisi d’élargir sa politique de protection sociale en se concentrant sur les jeunes de 18 à 35 ans. Porté par le ministère des Affaires sociales, de la Solidarité et de l’Action humanitaire, le Projet de protection sociale et d’inclusion productive des jeunes (PSIPJ) s’inscrit dans la continuité de Lisungi, dispositif d’urgence qui avait soutenu les ménages les plus affectés par la pandémie de COVID-19. Le PSIPJ en constitue la phase de maturation : là où Lisungi distribuait essentiellement des transferts monétaires, la nouvelle initiative ajoute une dimension d’insertion économique, convaincue que l’apprentissage et l’entrepreneuriat constituent des leviers pérennes de résilience.
Chefs de quartiers, vigies de la proximité citoyenne
Depuis le 9 juillet, la physionomie des centres d’enregistrement de Brazzaville Nord et des autres localités pilotes a changé : aux côtés des agents du projet, l’on aperçoit les chefs de quartiers dresser, souvent plume à la main, des passerelles entre les dossiers administratifs et la réalité vécue sur le terrain. « Notre travail consiste à valider les listes des personnes éligibles », résume Florent Moussa Malonga, membre d’un comité communautaire. Leur légitimité sociale, fondée sur la connaissance fine des familles, permet d’écarter les candidatures ne répondant pas aux critères de vulnérabilité, malgré des formulaires parfois irréprochables sur le papier. Le dialogue entre responsables du PSIPJ et leaders de proximité réduit ainsi le risque d’inclusion indue, tout en renforçant la confiance entre administration et citoyens.
Une méthodologie de ciblage mêlant données et terrain
Le processus retenu par le PSIPJ s’effectue en trois paliers successifs. Un premier recensement établit la base de données des ménages, aussitôt passée au crible d’un algorithme qui classe le niveau de vulnérabilité selon des indicateurs socio-économiques. Une enquête sociale approfondie permet ensuite de vérifier les déclarations. Vient alors l’étape actuelle, la plus qualitative : l’examen communautaire, où l’expérience des chefs de quartiers sert à confirmer ou à nuancer les résultats statistiques. « Nous regardons de fond en comble les aspects de vulnérabilité des jeunes », souligne Marcel Moukoko, responsable local du suivi-évaluation. La triangulation de ces sources offre une garantie de transparence rare sous nos latitudes.
Formation qualifiante et micro-subventions, duo gagnant
Une fois la liste consolidée par les administrateurs-maires, les jeunes retenus intègrent un parcours articulé autour de formations qualifiantes courtes, dispensées en partenariat avec des centres techniques nationaux et des entrepreneurs confirmés. L’objectif est double : d’une part, doper l’employabilité dans des secteurs porteurs—agro-transformation, services numériques, petite mécanique—; d’autre part, encourager l’auto-emploi grâce à de micro-subventions octroyées à l’issue du cursus. Le PSIPJ parie sur cette combinaison pour transformer la protection sociale en tremplin économique plutôt qu’en simple filet de sécurité.
Financement Banque mondiale et gouvernance nationale
Doté d’un financement de la Banque mondiale, le projet illustre l’articulation croissante entre partenaires techniques et institutions nationales. L’appui financier extérieur—dont les montants précis n’ont pas été publiés mais que les observateurs estiment à plusieurs dizaines de millions de dollars—s’accompagne d’un transfert de compétences en matière de suivi-évaluation, pierre angulaire d’une gestion axée sur les résultats. Côté congolais, la cellule de coordination veille à ce que les procédures internationales s’imbriquent harmonieusement dans le cadre réglementaire national, afin de préserver la souveraineté décisionnelle.
Perspectives d’impact sur la résilience économique des 18-35 ans
À terme, les promoteurs du PSIPJ ambitionnent de toucher environ 35 000 jeunes dans les quatre villes cibles. Si le pari est tenu, le tissu économique local pourrait bénéficier d’une injection de compétences et de micro-entreprises susceptibles de créer un cercle vertueux pour l’emploi. Les économistes rappellent cependant que la durabilité d’une telle dynamique dépendra de facteurs macro-économiques—stabilité des prix, infrastructures, accès au marché—sur lesquels le programme n’a qu’une prise indirecte. Néanmoins, l’appropriation communautaire constatée lors des séances de validation est vue comme un indicateur encourageant.
Vers un nouveau contrat social avec la jeunesse
Au-delà de la seule distribution de subventions, l’implication des chefs de quartiers dans le filtrage des candidatures confère au PSIPJ une dimension civique qui résonne particulièrement auprès des jeunes adultes désireux d’être considérés comme acteurs, et non simples bénéficiaires, de la politique publique. En instaurant cette boucle de responsabilité partagée, le Congo-Brazzaville esquisse les contours d’un nouveau contrat social où la solidarité s’adosse à l’inclusion productive. Il appartiendra désormais aux premiers lauréats de traduire cette promesse en succès visibles, afin que le scepticisme cède la place à l’émulation.