Électrification, nouvel horizon pour Mossaka et Ewo
Sous le ciel clair de la saison sèche, les grandes silhouettes métalliques des pylônes attirent désormais tous les regards sur la route Boundji-Ewo. Pour beaucoup d’habitants, ces structures marquent enfin la concrétisation d’un rêve d’intégration électrique longtemps caressé dans la Cuvette.
Annoncé lors de la campagne présidentielle de 2021, le projet d’électrification de Mossaka et d’Ewo progresse maintenant à un rythme salué par le ministre d’État en charge de l’Aménagement du territoire, Jean Jacques Bouya, qui a jugé le niveau d’exécution « particulièrement encourageant ».
Un chantier stratégique pour la Cuvette
Du poste source de Boundji aux faubourgs d’Ewo, quatre-vingt kilomètres de lignes haute tension sont déjà tirés. Les techniciens confirment que les essais de charge, menés ces dernières semaines, ont affiché des valeurs conformes aux normes régionales de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale.
Côté Mossaka, 104 kilomètres d’implantation des pylônes sont terminés et 60 kilomètres de câble déroulé. Les ingénieurs chinois chargés du centre de dispatching finalisent, eux, la mise en place des serveurs de supervision qui permettront de stabiliser la tension sur l’ensemble du corridor énergétique.
Des avancées techniques tangibles
Selon le chef de mission, l’étape la plus délicate restait la traversée des zones marécageuses près du fleuve Congo. Des barges locales et des ancrages sur pieux en béton ont été utilisés pour hisser les mâts, solution jugée « ingénieuse et économe » par le bureau d’études.
La future sous-station d’Ewo, équipée de transformateurs de 30 mégavoltampères, a déjà reçu son premier lot d’huile diélectrique. Les tests d’isolation menés de nuit, afin de profiter d’une température plus stable, ont confirmé l’aptitude des bobines à supporter une surtension accidentelle.
Impacts socio-économiques attendus
Pour les entrepreneurs locaux, l’électricité constante signifie davantage que la lumière. « Un congélateur qui fonctionne sans coupure, c’est la promesse d’un commerce de poissons plus rentable », confie Rosalie Ondongo, gérante d’un kiosque à Mossaka, où la pêche reste la principale source de revenus.
Le Centre hospitalier d’Ewo anticipe déjà la mise en service. Son directeur, Dr. Martin Mboto, évoque des blocs opératoires mieux climatisés et des analyses biologiques réalisées sur place, réduisant les évacuations vers Oyo ou Brazzaville. « Cet apport nous fera gagner un temps vital », résume-t-il.
Défis logistiques et solutions locales
Acheminer les bobines de câble pesant près de huit tonnes chacune n’a pas été une mince affaire. Les camions ont roulé de nuit pour éviter la surchauffe des moteurs, tandis que les chauffeurs, recrutés dans les villages environnants, profitaient d’indemnités qui, selon eux, ont dynamisé l’économie locale.
Les autorités départementales ont, de leur côté, ouvert une cellule de suivi citoyen. Son coordinateur, Joël Nzelete, affirme recevoir chaque semaine photos et rapports des ingénieurs pour les partager via les réseaux sociaux, une démarche destinée à renforcer la transparence et à rassurer les jeunes diplômés en quête d’emplois techniques.
Voix de la jeunesse sur le terrain
Dans le lycée d’Ewo, les élèves parlent déjà d’ateliers numériques. Pauline, 17 ans, espère « apprendre le codage après les cours, plutôt que d’attendre la connexion au groupe électrogène ». Pour elle, l’arrivée du courant public représente aussi l’accès à des formations en ligne jusque-là inaccessibles.
Les associations d’étudiants originaires de la Cuvette, regroupées à Brazzaville, ont lancé une campagne de sensibilisation sur la sécurité électrique domestique. Clips courts, infographies et mini-jeux circulent sur TikTok afin d’éviter les branchements hasardeux dès la mise sous tension effective, prévue pour le premier semestre de l’année prochaine.
Cap sur la transition énergétique nationale
Le ministère de l’Énergie rappelle que le taux d’électrification du pays dépasse aujourd’hui 70 % dans les zones urbaines, mais reste en dessous de 35 % dans plusieurs districts ruraux. L’intégration d’Ewo et Mossaka devrait pousser l’indicateur national d’un point supplémentaire, estiment les planificateurs.
À plus long terme, la ligne devrait se connecter au projet d’interconnexion Nord-Sud, favorisant l’échange d’énergie avec la centrale hydroélectrique d’Imboulou. Les ingénieurs voient déjà la possibilité d’alimenter de futurs agro-parcs, soutenant ainsi la stratégie de diversification de l’économie voulue par les autorités.
Pour le professeur Emmanuel Okou, économiste à l’Université Marien-Ngouabi, « l’électricité demeure le carburant de toute industrialisation ». Il estime que chaque kilowattheure rendu disponible dans la Cuvette peut créer jusqu’à 0,6 emploi direct, citant des études comparables menées au Ghana et au Rwanda.
En attendant l’inauguration officielle, prévue une fois les alimentations secondaires posées, les projecteurs demeurent braqués sur les équipes de montage. Jean Jacques Bouya, lors de sa dernière descente, a exhorté les entreprises à « profiter de chaque jour sans pluie pour achever cet engagement présidentiel ».
Au-delà des chiffres, les jeunes de Mossaka et d’Ewo se préparent déjà à une vie rythmée par le courant continu. Pour eux, la fin des torches à pétrole n’est pas seulement un symbole : c’est la promesse d’un avenir connecté et d’opportunités renouvelées et durables pour tous.