Naissance d’une légende footballistique
Au lendemain des indépendances, l’idée d’un tournoi voué à rassembler le continent émerge en 1956 à Lisbonne. Quelques mois plus tard, la Confédération africaine de football naît et, dès février 1957, Khartoum reçoit trois sélections pour une première Coupe d’Afrique historique.
L’Égypte domine alors l’Éthiopie quatre buts à zéro et s’adjuge le premier trophée. Au-delà du score, le symbole est fort: malgré un contexte politique encore fragile, le football devient un langage commun, vecteur d’affirmation pour des nations récemment sorties du joug colonial.
Expansion et télévision: la CAN se mondialise
En 1963, Accra accueille six équipes, preuve d’un engouement grandissant. Cinq ans plus tard, l’édition éthiopienne instaure la cadence biennale et un plateau élargi à huit sélections. La compétition change alors d’échelle, offrant aux supporters un rendez-vous régulier riche en rivalités naissantes.
La révolution suivante survient en 1970 au Soudan, première édition retransmise à la télévision. Les images noir et blanc de Khartoum traversent les frontières et galvanisent une audience nouvelle, jusqu’alors dépendante de la radio. Le tournoi devient une vitrine médiatique des talents africains.
Le nombre de participants continue de grimper: douze sélections en 1992 à Dakar, seize en 1996 avec le retour triomphal de l’Afrique du Sud post-apartheid, puis vingt-quatre à partir de 2019. Chaque extension reflète une ambition: donner sa chance à chaque terroir footballistique du continent.
Records individuels qui affolent les compteurs
Samuel Eto’o symbolise cette gloire personnelle. Entre 2000 et 2010, l’attaquant camerounais compile dix-huit réalisations en phase finale, deux titres et deux Souliers d’or. Avec un ratio de 0,62 but par match, il reste le cauchemar des défenses et l’idole d’une génération connectée.
Avant lui, l’Ivoirien Laurent Pokou avait posé des jalons titanesques. Double meilleur buteur en 1968 et 1970, il garde le record de cinq buts dans une même rencontre face à l’Éthiopie. Son efficacité, 1,17 but par match, continue d’alimenter les conversations sur les réseaux.
Chez les gardiens, l’Égyptien Essam El-Hadary impressionne encore les plus jeunes. À quarante-quatre ans, il disputait la CAN 2017, devenant le joueur le plus âgé à fouler le tournoi. Sa longévité incarne la rigueur et la passion qui entourent la scène footballistique africaine.
Stratèges de banc et succès partagés
Charles K. Gyamfi et Hassan Shehata se partagent le trône des sélectionneurs les plus sacrés, trois titres chacun. Leur point commun réside dans la gestion de groupe: discours simples, discipline collective et confiance accordée aux talents locaux plutôt qu’aux expatriés abonnés aux ligues européennes.
Sélections mythiques, dynasties et rivalités
La sélection égyptienne domine toujours le palmarès avec sept couronnes, dont trois consécutives de 2006 à 2010. Ce triplé résonne encore comme un modèle de cohésion tactique et de solidité mentale, inspirant les entraîneurs de centres de formation du Caire à Pointe-Noire.
Juste derrière, le Cameroun affiche cinq titres, tandis que le Ghana en totalise quatre. Chaque décennie voit ainsi naître une dynastie différente, alimentant des rivalités saines qui dépassent le rectangle vert et nourrissent les débats animés dans les universités et les maquis.
Matches inoubliables gravés dans la mémoire
Le Nigeria-Cameroun de 2000 reste un sommet d’émotion. Co-organisée par Lagos et Accra, la finale se conclut sur un 2-2 puis une séance de tirs au but haletante. Patrick Mboma et Rigobert Song offrent au Cameroun un sacre qui marque l’entrée du nouveau millénaire.
Trois ans plus tôt, Le Caire accueille 120 000 supporters pour la finale Égypte-Cameroun. Ce record d’affluence démontre la ferveur unique qu’engendre la CAN. Les tribunes rouges et blanches semblent vibrer d’une seule voix, créant une atmosphère que même les retransmissions HD actuelles peinent à rendre.
L’édition 2023-2024, explosion de buts
Disputée en début d’année 2024 en Côte d’Ivoire, la CAN 2023 totalise 119 réalisations, soit la moyenne offensive la plus élevée de l’histoire. Les Éléphants décrochent leur troisième titre en renversant le Nigeria 2-1, preuve qu’à domicile la communion public-joueurs peut déplacer des montagnes.
L’empreinte congolaise dans l’histoire du tournoi
Le Congo figure parmi les seize nations titrées grâce à son exploit de 1972. À Yaoundé, François M’Pelé et Jean-Michel Mbono conduisaient les Diables Rouges vers une victoire 3-2 face au Mali. Ce sacre continue d’alimenter la fierté des supporters brazzavillois qui rêvent d’un nouveau printemps.
Aujourd’hui, la Fédération congolaise multiplie les programmes de détection locale pour renouer avec cet héritage. Les académies de Talangaï, Vindoulou ou Ouenze misent sur la méthode, l’analyse vidéo et l’appui des anciens internationaux afin de bâtir une génération capable de surprendre lors des prochaines qualifications.
Ce que prépare l’édition 2025 au Maroc
La trente-cinquième édition, prévue au Maroc, réunira vingt-quatre nations toutes déjà expérimentées. Casablanca et Marrakech promettent des stades high-tech, éclairage LED et 5G intégrale. Les sélectionneurs saluent ce calendrier estival qui limitera les chevauchements avec les championnats européens et préserve la forme des joueurs.
Pourquoi la CAN reste un moteur d’unité africaine
Au-delà des chiffres, la CAN fédère un imaginaire commun, du maquis de Bacongo aux campus de Dakar. Elle offre aux jeunes un miroir où voir leurs rêves d’exploit, stimule l’économie locale et rappelle que sur le bitume ou la pelouse, l’Afrique parle un même langage.
