Registre social unique : nouvel horizon solidaire
La réunion de deux jours tenue à Brazzaville autour du registre social unique a insufflé un vent d’optimisme prudent dans les couloirs du ministère des Affaires sociales. Pour la première fois, la question des réfugiés occupait la scène principale.
Experts, statisticiens, responsables onusiens et associations de jeunesse convergent : la protection sociale sera plus efficace si chaque personne vulnérable, née ici ou déplacée, figure dans une base de données vraiment harmonisée.
Inclusion des réfugiés : un changement de cap
Selon le Haut-Commissariat pour les réfugiés, plus de 60 000 personnes, venues surtout de Centrafrique et de la RD Congo, résident aujourd’hui au Congo. Beaucoup vivent dans des camps, d’autres se sont fondus dans les villes forestières.
Jusqu’ici, l’accès aux filets sociaux — transferts, bourses ou microcrédits — restait limité pour ces communautés faute de numéro officiel. L’ouverture du registre unique promet de combler cette fracture administrative et psychologique.
Le sociologue Clément Obambé note : « Mettre réfugiés et nationaux dans la même base, c’est reconnaître une humanité partagée et apaiser la concurrence pour l’aide ». Cette posture inclusive s’accorde aux engagements constitutionnels.
Coordination gouvernementale et Unhcr
Devant les représentants ministériels, Vladimir Yvon Liem a insisté sur la nécessité de « données fiables et comparables » pour prioriser l’action publique. L’ONUHCR offre un appui technique, tandis que l’Institut national de la statistique se charge de la vérification physique.
Selon le directeur Raphaël Akoli Ekolobongo, le registre lancé en 2014 après les inondations recense déjà plus de 400 000 ménages. L’extension aux réfugiés exige d’ajuster les algorithmes et de former de nouveaux enquêteurs.
Des chefs de village présents ont salué l’initiative, soulignant que la transparence réduira les soupçons de favoritisme. « Une base unique, c’est moins de rumeurs », a confié la notabilité d’Oyo, espérant ainsi éviter les conflits de voisinage.
Critères de vulnérabilité adaptés
La grille de sélection actuelle repose sur le revenu, l’accès à l’éducation et l’état de santé. Désormais, elle intègrera aussi la situation juridique, le traumatisme de l’exil et la perte de liens familiaux souvent subie par les réfugiés.
Les associations de jeunes psychologues ont plaidé pour des indicateurs sensibles au genre. Les femmes réfugiées, souvent cheffes de ménage, peuvent cumuler vulnérabilités économiques et sécuritaires. Leur visibilité statistique conditionnera l’attribution de subventions ciblées pour les activités génératrices de revenu.
D’autres pistes, comme le score de résilience communautaire, pourraient voir le jour. Mesurer les réseaux de solidarité spontanée donnerait une image plus fine des forces locales et éviterait une approche uniquement centrée sur le manque.
Jeunes réfugiés et ambitions partagées
À Betou, près de la Sangha, Yves, 24 ans, raconte son ambition de devenir développeur mobile. Il suit déjà des tutoriels en ligne sur un téléphone rechargé grâce à un panneau solaire communautaire. L’accès aux microbourses pourrait accélérer son projet.
Les statistiques nationales montrent que plus de 60 % des réfugiés ont moins de 30 ans. Pour ces jeunes, l’inclusion dans le registre représente souvent la première reconnaissance officielle de leurs compétences, indispensable pour candidater à un emploi formel.
Le ministère de la Jeunesse envisage d’intégrer les bénéficiaires réfugiés dans les incubateurs numériques de Brazzaville et Pointe-Noire. « Le code n’a pas de nationalité », souligne la coordinatrice Pauline Ngatsé, qui voit là un vecteur puissant de cohésion.
Outils numériques et transparence
Le registre sera bientôt accessible via une application mobile sécurisée. Chaque ménage pourra vérifier son statut et signaler un changement de situation. Cette approche, inspirée du modèle rwandais, veut réduire les files d’attente et les coûts de terrain.
Pour garantir la confidentialité, les données sensibles seront chiffrées et stockées sur des serveurs hébergés à Brazzaville. Un comité éthique, incluant la Commission nationale des droits de l’homme, assurera le suivi. Les jeunes férus de cybersécurité applaudissent déjà cette exigence.
Regards d’experts et témoignages
L’économiste Walfrid Ibovi estime que l’élargissement du registre pourrait augmenter de 15 % la couverture des ménages ultra-pauvres, tout en drainant des financements de la Banque mondiale. « L’aide suit souvent la qualité des données », rappelle-t-il.
Côté réfugiés, la pasteure centrafricaine Odile Ngbenguet salue un « geste d’hospitalité concret ». Elle nuance néanmoins : le succès dépendra de la rapidité avec laquelle les cartes biométriques seront délivrées, afin d’éviter que l’attente n’entraîne un découragement.
Le politologue Didier Makosso rappelle que le Congo a ratifié la Convention de Kampala sur les déplacements forcés. « Harmoniser le registre, c’est mettre le texte en pratique », dit-il, soulignant l’alignement entre politique nationale et engagements internationaux.
Pour une cohésion nationale renforcée
La phase pilote devrait démarrer en octobre à Gamboma et Betou. Si les résultats sont concluants, le ministère vise une extension nationale en 2025. Les jeunes volontaires formés lors de l’atelier seront au cœur de la collecte participative.
Au-delà de l’aspect technique, l’inclusion des réfugiés dans le registre social unique rappelle qu’aucune société ne se consolide en laissant des poches d’oubli. Pour beaucoup de jeunes Congolais, ce chantier ouvre la porte d’une citoyenneté solidaire et résolument tournée vers l’avenir.
