Brazzaville vibre pour la Relico 2025
La huitième Rentrée littéraire du Congo, alias Relico 2025, a réuni, le 26 septembre, auteurs, éditeurs et passionnés dans la moiteur joyeuse du Centre culturel de Brazzaville.
Portée par le PEN Congo, cette scène devenue incontournable a mêlé lectures publiques, concerts intimistes et débats interactifs pour draguer un public jeune, smartphone au poing, avide d’histoires ancrées dans la ville.
Émile Gankama, plume engagée au sommet
Le moment fort est venu lorsque le jury a prononcé le nom d’Émile Gankama, sacré Grand prix littéraire Jean-Malonga du roman pour La Cité d’attache du vieux port, paru en 2023 chez L’Harmattan.
Journaliste, sociologue et directeur des rédactions aux Dépêches de Brazzaville, le lauréat signe ici un texte qui mêle passion amoureuse et radiographie sociale, dans une prose qui bascule volontiers de la nostalgie à la satire douce.
« Je reçois ce prix avec humilité, en pensant à Jean Malonga qui a ouvert la voie à notre littérature », a déclaré l’auteur sous les applaudissements, saluant aussi le public « pour son amour jamais démenti du livre ».
Des distinctions qui révèlent la diversité des plumes
Derrière le gagnant, la Relico a mis en lumière Ferréol Gassackys pour l’essai, Malachie Cyrille Roson Ngouloubi pour la poésie, Étienne Pérez Epagna pour la reconnaissance culturelle et le jeune éditeur Weldy Télémine Kiongo, alias ING, pour sa production étonnamment mature.
Même absents de la cérémonie, certains lauréats ont fait vibrer la salle par les messages vidéo projetés en direct; leurs proches, émus, ont promis d’organiser des séances de dédicaces tournantes dans les quartiers populaires de Brazzaville et de Pointe-Noire.
Les secrets d’une sélection exigeante
Président du PEN Congo, Florent Sogni Zaou a rappelé le protocole: les manuscrits doivent parvenir avant le 1er septembre, puis une commission indépendante lit, débat et retient cinq finalistes sur une vingtaine d’ouvrages reçus cette année.
Cette rigueur, explique-t-il, garantit « un palmarès crédible qui défend la langue française tout en valorisant nos réalités locales », un équilibre salué par plusieurs éditeurs présents.
Relico, accélérateur de visibilité pour les jeunes auteurs
Depuis 2016, la Rentrée littéraire du Congo multiplie les ateliers d’écriture, les master-classes TikTok et les joutes oratoires dans les facultés, créant un pont concret entre générations d’auteurs et lecteurs hyperconnectés.
Selon les organisateurs, près de 3 000 exemplaires ont été écoulés durant la semaine, un record qui confirme que la fiction congolaise peut séduire un lectorat résolument mobile, sélectif et curieux de se reconnaître dans les intrigues.
Résonance culturelle et fierté nationale
En saluant la mémoire de Jean Malonga, pionnier disparu il y a quarante ans, la Relico ravive une filiation littéraire que beaucoup de jeunes ignorent encore, tout en brandissant un drapeau d’espoir pour ceux qui griffonnent leurs premières lignes.
L’événement rappelle aussi l’importance des librairies de quartier et des bibliothèques municipales, espaces essentiels pour diffuser ces voix et irriguer le marché local, un enjeu économique et symbolique à l’heure du streaming culturel.
Perspectives et ambitions 2026
Déjà, le comité annonce que l’édition prochaine arrivera avec une scène slam nocturne et un concours de romans graphiques, formats prisés par la Génération Z qui alterne entre stories Instagram et mangas téléchargés.
« Notre pari est de faire lire autrement sans renoncer à la qualité littéraire », souligne Florent Sogni Zaou, convaincu que le livre congolais peut rayonner davantage sur le continent, porté par les plateformes numériques et les clubs de lecture 2.0.
Une célébration qui inspire toute la ville
Dans les rues adjacentes, les vendeurs ambulants ont doublé leurs étals de romans neufs; les cafés ont improvisé des plateaux-micro pour que les participants partagent en direct leurs impressions, créant une atmosphère de festival urbain continu.
Pour de nombreux étudiants, c’était l’occasion de prendre un selfie avec leurs écrivains préférés, puis de poster l’autographe sous la légende « fierté 242 », un hashtag qui a culminé parmi les tendances locales ce soir-là.
Brazzaville dans la carte mondiale du livre
Avec cette programmation foisonnante, la capitale congolaise aligne progressivement son agenda culturel sur ceux de Dakar, Abidjan ou Kigali, misant sur la francophonie comme passerelle pour exporter ses talents et attirer des partenaires éditoriaux.
Déjà, plusieurs distributeurs africains ont manifesté leur intérêt pour les ouvrages finalistes, preuve que la Relico agit comme un tremplin d’affaires autant qu’un souffle artistique.
Le mot de la fin
Entre exaltation et réflexion, la Relico 2025 confirme que la littérature congolaise dispose d’une audience rafraîchissante, prête à tourner chaque page comme on scrolle une timeline, et qu’Émile Gankama en est aujourd’hui l’un des visages les plus lumineux.
Le rendez-vous est pris: au printemps prochain, les manuscrits afflueront encore et la ville comptera ses pages comme on compte les buts d’un match, preuve que l’imaginaire reste un sport national à part entière.