Suspense à Ignié
Ignié, à trente kilomètres de Brazzaville, a vécu une fin d’août vibrante lors des play-offs du championnat national de football féminin, saison 2023-2024. Quatre équipes y disputaient un titre longtemps différé par le calendrier, mais attendu avec impatience par les supporters.
La dernière journée, jouée le 26 août, a offert le scénario dont rêvent les scénaristes : l’Amical Club la Colombe, mené par Galactic Excellence, a inversé la tendance pour s’imposer 2-1 et coiffer ses rivales d’une couronne qui paraissait déjà leur appartenir.
Grâce à trois victoires en trois matches, les protégées du coach Charly Mavou mouillent désormais le maillot de championnes du Congo et décrochent le droit de représenter le pays lors des éliminatoires de la Ligue des champions de l’Union des fédérations de football d’Afrique centrale.
AC Colombe, un mental d’acier
Menée dès la 20e minute après la frappe croisée de Mirue Missie, la Colombe n’a pas paniqué. « Nous savions qu’il restait du temps », a expliqué la capitaine, Sylvia Ndinga, encore émue. L’équipe a opté pour un pressing haut et une circulation plus rapide.
Le plan a porté ses fruits juste après la pause : Dedina Mabondzo, positionnée comme faux neuf, a profité d’un ballon relâché pour égaliser à la 50e minute. Le banc, jusque-là tendu, s’est levé d’un même élan, faisant trembler la petite tribune d’Ignié.
Galactic, solide jusque-là, a tenté de verrouiller en densifiant le milieu. Mais la fraîcheur physique a finalement penché du côté des Brazzavilloises. Dans le temps additionnel, Irina Ongouya a surgi au second poteau pour placer la tête victorieuse et sceller la remontada.
« Cette foi collective, nous l’avons construite depuis la pré-saison », insiste le préparateur physique, Jean-Marc Bissangou. Le staff rappelle que l’équipe s’entraîne souvent à l’aube, faute de créneaux en soirée, un choix qui aurait renforcé la cohésion et l’endurance.
Stars et révélations du tournoi
Au-delà du suspense, ces play-offs ont mis en lumière plusieurs talents. Chez la Colombe, la gardienne Grâce Loubaki a multiplié les arrêts réflexes, ne concédant que deux buts en trois rencontres, malgré des attaques adverses portées par l’explosive ailière Carine Malango.
Du côté de Galactic, la jeune milieu organisatrice Jasmine Essoki, 19 ans, a dicté le tempo grâce à une vision de jeu saluée par les observateurs de la Fédération congolaise de football. Son sens de la passe a dynamisé les transitions, même si le titre s’est envolé.
Le Football Club Féminin La Source a pour sa part terminé troisième, porté par le doublé d’Angelina Okielé contre Epah Ngamba. L’avant-centre de Makélékélé confirme sa saison régulière, ponctuée de neuf réalisations, et attire déjà l’attention de recruteurs camerounais.
Sans surprise, la Ligue nationale a annoncé la mise en place d’un trophée de meilleure jeune joueuse dès la prochaine édition. Une décision saluée par l’ex-internationale Rachelle Okemba, qui estime que « valoriser la relève est la meilleure garantie de progrès durable ».
Enjeux continentaux en ligne de mire
Avec ce sacre, l’AC Colombe disputera en octobre les éliminatoires zonales de la Ligue des champions féminine de la CAF, prévues à Malabo. Seule la première place offrira un ticket pour la phase finale, où brillent régulièrement les clubs nigérians et ghanéens.
La Fédération congolaise de football a indiqué qu’elle mettrait à disposition du club un staff médical renforcé et un budget consacré à la préparation. Une enveloppe logistique couvrant transport, hébergement et analyses vidéo est en cours de finalisation, selon le directeur technique national.
Pour la coach adjointe, Vanessa Louamba, l’objectif est réaliste : « Nous voulons d’abord franchir le cap régional, puis viser la phase de groupes. Chaque stage doit intégrer à la fois ballon et données scientifiques pour maximiser nos chances face aux adversaires d’Afrique centrale. »
Un élan pour tout le football féminin
La dynamique actuelle s’inscrit dans une stratégie plus large du ministère des Sports, qui souhaite porter le nombre de licenciées à vingt mille d’ici 2028. Une enveloppe de modernisation des terrains d’entraînement à Pointe-Noire et à Owando a déjà été annoncée.
Les clubs espèrent également voir le championnat adopté par davantage de télévisions locales pour augmenter les revenus de diffusion. Le président de la Ligue, Mesmin Kimboula, évoque la possibilité d’un partenariat avec une plateforme de streaming afin de toucher les diasporas et les annonceurs digitaux.
Sur le terrain, les joueuses rêvent déjà d’inspirer la nouvelle génération. « Si notre titre donne envie aux jeunes filles de choisir des crampons plutôt qu’un smartphone, nous aurons gagné bien plus qu’un trophée », sourit Irina Ongouya, ballon d’or officieux de ces play-offs pleins d’émotion.
Le succès de la Colombe rappelle enfin que le football féminin, longtemps cantonné aux marges, peut devenir un moteur d’unité nationale. Au stade d’Ignié, les chants entremêlaient lingala, téké et kituba, preuve qu’un ballon rond continue de rassembler au-delà des frontières provinciales. Ce soir-là, ces barrières tombaient.
