Une reconduction qui consacre la continuité stratégique
Dans la grande salle des conférences internationales du Palais des congrès de Brazzaville, la journée du 6 juillet 2025 a pris des allures de vote d’acclamation. Sans véritable suspense, les membres de l’Association des anciens enfants de troupe du Congo ont reconduit Rémy Ayayos Ikounga à la présidence du Bureau exécutif national pour trois nouvelles années. La confiance exprimée par les vétérans de l’École militaire préparatoire général Leclerc, bientôt octogénaire, traduit une volonté de continuité dans la gouvernance de cette organisation au carrefour de la mémoire militaire et de l’engagement civique.
D’emblée, le président réélu a mesuré « le poids et la dimension de la charge » qui lui incombe. Dans un serment empreint de solennité, il a promis d’« assurer avec honneur et dignité » la conduite de ce qu’il nomme « notre navire ». Cet imaginaire maritime n’est pas qu’une métaphore : il renvoie à l’idée d’un équipage resserré autour de valeurs communes, où chaque grade a son importance dans la manœuvre collective.
Consolider la cohésion intergénérationnelle des anciens élèves
Rémy Ayayos Ikounga sait que la vitalité d’une association se mesure à la fluidité des échanges entre promotions. Les plus anciens rappellent volontiers la rigueur prônée par le général Leclerc, tandis que les plus jeunes, sortis du lycée militaire dans les années 2000, revendiquent une lecture plus inclusive de l’engagement citoyen. Le défi consiste à faire dialoguer ces deux temporalités pour qu’elles se fécondent mutuellement au service d’un patriotisme éclairé.
À la tribune, le président a encouragé les nouveaux membres du Bureau exécutif—au rang desquels figurent Armel Nzoulani à la vice-présidence, René Nganongo au secrétariat général ou encore Arthur Ndey Moizibi aux finances—à « poursuivre sur la même lancée » en matière de solidarité et de rayonnement social. En coulisses, les chantiers ne manquent pas : accompagnement des veuves d’anciens militaires, parrainage de jeunes recrues, promotion des carrières scientifiques auprès des lycéennes, sans oublier l’actualisation du fonds d’archives photographiques de l’école.
La Fédération africaine, nouveau terrain d’influence congolais
Au-delà des frontières nationales, l’AET du Congo a pris une dimension panafricaine depuis la création de la Fédération des anciens enfants de troupe d’Afrique (FAET). La présidence tournante, confiée à Brazzaville, constitue un levier diplomatique inédit pour promouvoir l’expertise congolaise en matière de management associatif et de formation civique. « Porter haut la voix de tous les AET », a martelé Ikounga, c’est à la fois défendre un héritage commun forgé dans les pensionnats militaires francophones et créer un réseau d’entraide professionnelle à l’échelle du continent.
Les premiers résultats sont tangibles : mutualisation des bibliothèques spécialisées, programmes d’échanges culturels avec les anciens du Prytanée du Kadiogo au Burkina Faso, préparation d’un séminaire sur la désinformation en contexte de cybersécurité. Autant d’initiatives qui placent l’AET du Congo au cœur d’un soft power discret, complémentaire des actions gouvernementales en matière de coopération militaire.
Cap sur les 80 ans de l’EMPGL : célébration et transmission
Si la réélection du Bureau nourrit la dimension institutionnelle de l’association, l’horizon émotionnel se situe clairement en 2026, année du 80ᵉ anniversaire de l’École militaire préparatoire général Leclerc. L’événement se veut à la fois rétrospectif et prospectif. Une exposition itinérante retracera l’évolution des uniformes, tandis qu’un recueil de témoignages compilera les souvenirs des promotions emblématiques de 1946, 1975 et 1997.
Le comité scientifique, appuyé par la Commission de contrôle et d’évaluation présidée par Alexandre Dzabatou, met la dernière main à un colloque international sur la pédagogie militaire au service de la citoyenneté républicaine. L’objectif est clair : montrer comment les valeurs de discipline, d’abnégation et de service peuvent nourrir l’engagement des jeunes Congolais, qu’ils choisissent ou non une carrière sous les drapeaux.
Perspectives : une jeunesse séduite par l’exemplarité
Au terme de cette assemblée générale, le sentiment le plus partagé reste celui d’une responsabilité exemplaire vis-à-vis de la jeunesse. Dans un contexte où les réseaux sociaux fabriquent parfois des modèles éphémères, la trajectoire des anciens enfants de troupe offre une narration de long terme, rigoureuse et fondée sur le mérite. Les observateurs notent qu’une partie croissante des 20-35 ans s’intéresse aux filières défense et sécurité, non par romantisme martial, mais parce qu’elles documentent un sens éprouvé de la communauté et de la stabilité institutionnelle.
La feuille de route annoncée table sur des partenariats avec des incubateurs de start-ups, l’ouverture de classes d’anglais avancé au lycée militaire et la création d’un fonds de bourses pour soutenir les AET en fin de cursus universitaire. Autant de projets qui soulignent que, loin de se réduire à la nostalgie des fanfares et des défilés, l’association entend demeurer un acteur de développement humain. De Brazzaville à Yaoundé, de Ouagadougou à Libreville, la voix des AET résonne désormais comme un rappel obstiné : l’avenir se construit dans la fidélité aux valeurs, mais aussi dans l’audace de les réinventer.