Une rentrée prévue le 1er octobre
Le calendrier scolaire 2023-2024 fixe l’ouverture des classes au 1er octobre sur toute l’étendue du territoire. Pourtant, dans les marchés de Talangaï à Bacongo, la fébrilité habituelle n’est pas au rendez-vous. Une partie de la population plaide pour décaler l’échéance au 6 octobre.
Le sujet a surgi dans les discussions WhatsApp dès la paie de septembre. Vidéos courtes, memes et notes vocales résument une inquiétude : sans soldes ni allocations, comment acheter uniformes, cahiers et droits d’inscription ? Le débat a rapidement glissé des smartphones aux radios urbaines.
Marchés en sous-régime avant la reprise
Au marché du lycée Thomas-Sankara, les travées regorgent de cartables flambant neufs, mais les acheteurs se font rares. « Depuis ce matin, je n’ai rien vendu », soupire Yves Ngoma, détaillant de fournitures. Sa pile de cahiers reste intacte, malgré une remise de dernière minute.
Même son de cloche au centre-ville. Katy, spécialisée dans les blouses d’écoliers, compare avec 2022 : « L’an passé, on écoulait trois ballots par jour. Là, je vends à peine une douzaine de pièces ». Le flux de clients paraît suspendu au versement officiel des salaires.
La parole aux commerçants inquiets
Réunis sous un hangar improvisé, plusieurs marchands envisagent une pétition adressée à la mairie de Brazzaville. Ils proposent une courte rallonge au calendrier, le temps d’écouler le stock. Pour eux, reporter la date signerait aussi la garantie de préserver des emplois temporaires.
« Si les élèves reviennent trop tôt, on perdra notre capital », calcule Jean-Bruno, grossiste en trousses. Son estimation évoque une chute de 30 % du chiffre d’affaires par rapport à 2021. L’homme souligne toutefois sa confiance : « Avec une semaine, on se refait ».
Les parents jonglent avec les dépenses
Côté familles, la liste scolaire pèse. Cahiers grand format, stylos, uniformes, contribution aux frais d’entretien : la facture grimpe vite à 40 000 FCFA par enfant. Tout-proche du rond-point Moungali, Sylvie Ntoumi confie devoir étaler les achats sur deux paies pour ses jumeaux.
Betina Ngala, mère de six enfants, attend toujours la rémunération de son époux, chauffeur. « Sans salaire, pas de cartable », souffle-t-elle. Plusieurs parents suggèrent le paiement anticipé des primes de rentrée ou la mobilisation du Fonds national d’appui social afin de soulager les ménages.
Focus sur le calendrier scolaire officiel
Le ministère de l’Enseignement préscolaire, primaire, secondaire et de l’Alphabétisation rappelle que le 1er octobre reste la date réglementaire, fruit d’une concertation avec syndicats et associations de parents. Le programme prévoit 34 semaines de cours, deux semestres et des examens nationaux maintenus.
Interrogé sur Tropiques FM, le directeur de cabinet du ministre, Florent Oba, nuance : « Nous écoutons les doléances. Si les conditions économiques le justifient, nous pouvons réajuster, mais sans compromettre le volume horaire exigé par les partenaires éducatifs internationaux ».
Mesures envisagées par les autorités
Selon une source proche du Trésor public, les salaires de la fonction publique devraient être virés entre le 28 et le 30 septembre pour garantir le pouvoir d’achat. Une opération spéciale de micro-crédit destinée aux petits commerçants est également à l’étude auprès du ministère des Finances.
Du côté du ministère du Commerce, on travaille à instaurer des prix plafonds sur les fournitures essentielles durant quinze jours. « Nous voulons protéger les familles tout en soutenant les vendeurs », explique une experte de la direction générale de la concurrence, jointe par téléphone.
L’impact économique d’une semaine de répit
D’après l’économiste Richard Mabiala, repousser la rentrée d’une semaine pourrait injecter 3 milliards FCFA supplémentaires dans le circuit des marchés scolaires. « Le temps de rotation du capital s’allonge et réduit le risque de pertes sèches », détaille-t-il, se basant sur les ventes moyennes nationales.
Cette manne profiterait aussi aux transports urbains, aux imprimeurs locaux et même aux vendeurs de téléphones, très prisés pour le e-learning. En revanche, note l’universitaire, il faudra ajuster le calendrier des vacances de Noël pour éviter de grignoter sur la période des examens.
Enjeux éducatifs et cohésion sociale
Les organisations de jeunesse soulignent que décaler la reprise ne doit pas pénaliser la continuité pédagogique. La Ligue des parents d’élèves propose des séances de révision gratuites dans les mairies d’arrondissement, afin que l’attente se transforme en opportunité de consolider les acquis de l’année précédente.
Au-delà de l’économie, le débat révèle l’attachement des Congolais à l’école comme vecteur de progrès. « L’éducation est une arme puissante pour changer le monde », rappelle un père de famille, reprenant la célèbre citation de Nelson Mandela, devenue slogan sur les réseaux locaux.
Perspectives pour la diaspora congolaise
Dans les groupes Facebook d’expatriés, nombreux sont ceux qui envoient chaque année des colis de fournitures au pays. Un report officiel leur offrirait quelques jours supplémentaires pour finaliser les transferts d’argent via mobile money et sécuriser l’envoi des cartons eux-mêmes depuis Paris, Montréal et Bruxelles.
Le sociologue Marcel Tchikaya y voit un moyen de renforcer les liens transnationaux : « Quand la rentrée est synchrone, la diaspora se sent utile et connectée au quotidien local ». Ce dynamisme financier atteint, selon lui, 500 millions FCFA sur la seule période septembre-octobre chaque année scolaire.