Les réseaux enterrés, un impératif de santé publique
Au cœur d’une capitale en pleine croissance démographique, les conduites d’eau potable et les égouts de Brazzaville constituent la première ligne de défense sanitaire. Les perturbations liées aux fuites, aux branchements informels ou à l’absence de cartographie exhaustive entraînent non seulement des pertes financières mais aussi des risques épidémiologiques. « Apporter des réponses concrètes aux problèmes quotidiens des Congolais », a rappelé le ministre de l’Assainissement urbain, du Développement local et de l’Entretien routier, Juste Désiré Mondélé, à l’issue d’une séance de travail, le 30 juillet, avec des représentants du groupe français Nova. En posant ce diagnostic, le gouvernement consolide la priorité donnée à l’accès sécurisé à l’eau et à un cadre de vie salubre, deux composantes essentielles de la feuille de route socio-économique nationale.
Nova Detect : la cartographie 3D au service de la ville
Forte de quinze années d’expertise sur les chantiers européens, Nova Detect revendique une maîtrise des relevés géoréférencés de réseaux enterrés grâce à la fusion de la télédétection, du lidar et de l’intelligence artificielle. Ses dirigeants, Philippe Aymard, Henri Coron et Aristide Dougomales, ont présenté au ministre des modules capables de localiser avec une précision centimétrique les conduites anciennes et d’anticiper les zones de fragilité. « Notre ambition est de sécuriser les interventions et d’allonger la durée de vie du patrimoine urbain », a résumé Olivier Aurojo, chef de délégation et maire de la commune française de Charly. La proposition inclut un transfert de compétences vers les ingénieurs congolais afin de consolider les capacités locales en matière de géomatique appliquée.
Mappia et Mimo Detect : la data pour accélérer la détection des fuites
Au-delà de la seule cartographie, le consortium français entend déployer les services complémentaires de Mappia, plateforme de gestion des données spatiales, et de la startup Mimo Detect, dont l’algorithme réduit par trois le temps nécessaire pour repérer une fuite d’eau. Le croisement entre modélisation hydraulique, imagerie radar et apprentissage automatique permet d’identifier, en temps quasi réel, les pertes de charge dans les conduites. Pour un État dont la facture hydrique dépend encore d’infrastructures héritées des années 1980, la perspective de réduire drastiquement le taux de fuite – estimé officieusement entre 30 % et 40 % – représente un levier d’économie budgétaire et de résilience face au changement climatique.
Un partenariat technologique dans la droite ligne de la COOPERATION Congo–France
Cette première prise de contact intervient alors que l’Agence française de développement et le ministère concerné finalisent une étude préparatoire portant sur la modernisation des réseaux d’assainissement de Brazzaville et Pointe-Noire. Selon une source interne, le schéma directeur retiendrait un horizon de cinq ans pour la mise en service des premiers tronçons numérisés. « Nous sommes au début des discussions ; l’idée est d’être de vrais partenaires, en accompagnant les services existants », a insisté Olivier Aurojo. Une approche appréciée par Brazzaville, qui privilégie les coopérations créatrices d’emplois locaux. À terme, la filière nationale pourrait se structurer autour de bureaux d’études mixtes et de centres de formation certifiés, positionnant la capitale comme un pôle régional de l’hydro-technologie.
Impacts attendus sur l’économie urbaine et la jeunesse
En périphérie des considérations purement techniques, le projet offre un débouché immédiat aux diplômés congolais en topographie, génie civil et data science. Les besoins en opérateurs de drone, en analystes de données géospatiales et en techniciens de maintenance de capteurs se chiffrent déjà par dizaines. D’après le sociologue Urbain Koumassa, observer la ville sous l’angle de la donnée « ouvre de nouveaux récits professionnels pour une génération souvent cantonnée aux secteurs informels ». Dans un contexte marqué par la diversification économique prônée par les autorités, l’assainissement intelligent apparaît comme un secteur à fort potentiel d’auto-emploi pour la tranche 20-35 ans.
Vers une gestion durable des eaux urbaines
La maîtrise des réseaux enterrés ne se limite pas à une question de service public ; elle conditionne la capacité d’adaptation de la ville aux aléas climatiques. Les précipitations extrêmes enregistrées ces dernières saisons ont rappelé la vulnérabilité des quartiers riverains, susceptible d’être aggravée par des canalisations obsolètes ou obstruées. En combinant détection précoce, maintenance prédictive et gouvernance fondée sur les données, Brazzaville se dote d’outils conformes aux Objectifs de développement durable des Nations unies. Les experts soulignent toutefois l’importance d’un pilotage continu, fondé sur des indicateurs partagés entre la collectivité, les opérateurs privés et la société civile afin de garantir la pérennité des investissements.
Perspectives à moyen terme pour Brazzaville
La feuille de route évoquée par le ministère cible la mise en place, d’ici fin 2025, d’un jumeau numérique des réseaux critiques, adossé à un centre de supervision intégré. L’arrivée d’un tel dispositif permettra aux services municipaux de planifier les extensions, de calibrer les budgets et de communiquer en temps réel avec les riverains lors des travaux. Pour les bailleurs internationaux, la traçabilité numérique des conduites constitue un gage de transparence, facilitant la mobilisation de financements concessionnels. À l’échelle nationale, l’initiative renforcerait la solidarité territoriale en offrant un modèle exportable vers les autres grandes agglomérations du pays.
Un chantier symbolique pour la modernisation urbaine congolaise
En accueillant la proposition de Nova, le gouvernement congolais illustre sa volonté d’arrimer la politique urbaine aux standards technologiques les plus récents tout en veillant à l’inclusion socio-économique. Le ministre Juste Désiré Mondélé le souligne : « Notre responsabilité est d’allier pragmatisme et durabilité ; nous devons offrir des infrastructures résilientes pour les générations futures. » Les négociations à venir préciseront le calendrier, le montage financier et la répartition des tâches, mais la dynamique enclenchée traduit déjà une mutation : celle d’un Congo qui entend passer d’une gestion réactive à une gestion prédictive de ses services urbains, en partenariat avec des acteurs industriels engagés.