Une impulsion financière sans précédent au service de la santé publique
Brazzaville a vécu, le 27 juin, une séquence symbolique où diplomatie, solidarité internationale et engagement gouvernemental ont convergé vers un même objectif : inverser durablement la courbe du VIH/sida et de la tuberculose. En remettant officiellement pour plus d’un milliard six cent quatre-vingt-onze millions de francs CFA d’équipements neufs, la représentation du Programme des Nations unies pour le développement a signé la matérialisation concrète d’un partenariat stratégique avec le Fonds mondial. Selon la représentante résidente du Pnud, Adama Dian-Barry, « chaque franc investi aujourd’hui économise demain des vies, des talents et, in fine, des points de croissance ». Cette contribution se double d’une enveloppe globale de 90 millions d’euros programmée sur le triennum 2024-2026, rappelant l’ampleur d’un effort multilatéral pensé pour compléter les initiatives nationales déjà engagées.
Des infrastructures de pointe pour mailler le territoire
Au-delà du chiffre, la nature des dotations illustre la montée en gamme de l’offre sanitaire congolaise. Joyau du dispositif, le laboratoire de référence P3 de mycobactériologie, implanté au sein des Grandes endémies, place la recherche locale sur le même standard technologique que plusieurs centres continentaux. Douze incinérateurs voient parallèlement le jour dans sept départements, réduisant les risques biologiques et environnementaux liés aux déchets médicaux. Le parc automobile, composé de camions réfrigérés et de véhicules tout-terrain, garantit désormais un acheminement sécurisé des échantillons et des traitements jusque dans les districts les plus enclavés. Cette logistique renforcée s’accompagne de la construction imminente du siège du Programme national de lutte contre le sida à Poto-Poto ainsi que de vingt entrepôts pharmaceutiques régionaux, maillons essentiels pour éviter toute rupture de stock d’antirétroviraux et d’antituberculeux.
Le cofinancement national, condition sine qua non de la durabilité
Si l’effort international s’affiche spectaculaire, ses partenaires rappellent toutefois l’impérieuse nécessité du cofinancement congolais. Depuis Genève, le gestionnaire du portefeuille Congo au Fonds mondial, Lionel Caruana, a salué les progrès accumulés en deux décennies, tout en soulignant qu’une contrepartie de près de 14 millions d’euros attendait encore d’être libérée. Sans cet engagement, alerte-t-il, près de 20 000 patients VIH et 4 000 atteints de tuberculose pourraient, à l’horizon 2026, se retrouver privés de traitement. Dans un contexte global de raréfaction des ressources, honorer cette contribution devient donc un signal de crédibilité, mais aussi un levier pour sécuriser les cycles futurs de financement.
Des indicateurs nationaux encourageants, mais fragiles
Le ministre de la Santé et de la Population, Jean Rosaire Ibara, a rappelé que le nombre de personnes sous antirétroviraux est passé de 26 030 en 2019 à 44 112 en 2024, tandis que la mortalité liée au VIH a reculé de 8 600 à 6 300 décès. Sur le front de la tuberculose, 14 370 cas ont été notifiés en 2023, avec un taux de succès thérapeutique de 82 %. Autant de statistiques prometteuses qui demeurent toutefois tributaires d’un approvisionnement continu en médicaments, de la disponibilité des moustiquaires imprégnées et d’un suivi biologique régulier. Les 59 milliards FCFA mobilisés dans le cadre du septième cycle devraient permettre de traiter 87 000 personnes vivant avec le VIH et 20 000 cas de tuberculose par an, tout en protégeant plus de 520 000 patients du paludisme. Cependant, prévient le ministre, « les tensions passagères de trésorerie pourraient contraindre l’ampleur de cette couverture si la mobilisation collective ne s’intensifie pas ».
Pour la jeunesse congolaise, première concernée par la prévention et par l’accès aux soins, cette dynamique représente un espoir tangible. Les campagnes de dépistage mobile, les centres de conseil volontaire et les programmes communautaires adossés aux associations étudiantes constituent des relais clés pour pérenniser les acquis. Nombre de jeunes activistes interrogés saluent déjà l’arrivée de ces nouveaux outils, perçus comme une reconnaissance de leur rôle d’ambassadeurs de la santé publique.
Cap sur 2030 : vers une souveraineté thérapeutique assumée
À l’horizon 2030, la République du Congo s’est engagée aux côtés de la communauté internationale à éradiquer le sida comme menace de santé publique et à réduire drastiquement la tuberculose. Les nouvelles infrastructures servent de tremplin à cette ambition, mais leur pleine efficacité repose sur une gouvernance pharmaceutique rigoureuse, une planification budgétaire prévisible et l’adhésion des usagers aux protocoles de dépistage. Plusieurs experts nationaux plaident pour une digitalisation accrue de la chaîne d’approvisionnement, gage de transparence et de réactivité face aux ruptures de stock.
En filigrane, l’investissement consenti par le Fonds mondial traduit la confiance accordée aux autorités sanitaires congolaises. En renforçant ses engagements financiers, le gouvernement consolide sa souveraineté thérapeutique et envoie un message fort : la santé n’est pas une charge mais un catalyseur de développement humain. À l’aube d’une décennie déterminante, cette synergie entre appui externe et responsabilité interne pourrait bien constituer le tournant décisif vers une génération libérée du VIH et de la tuberculose.