Un chantier stratégique pour le Pool
Sous le ciel clair de Vindza, la fanfare locale a accompagné, le 8 août 2025, le lancement officiel du chantier Mpiem-Kindamba. Derrière la musique, un message clair : la modernisation des infrastructures rurales devient réelle, pas seulement évoquée lors des forums nationaux.
Le ministre de l’Assainissement urbain, du développement local et de l’entretien routier, Juste Désiré Mondelé, a salué « l’alliance entre l’État, les élus et les entreprises » devant un parterre d’habitants venus des districts voisins, curieux de voir à quoi ressemble une route de 1,7 milliard francs.
Six mois pour transformer 86 km
Les études techniques prévoient un dégagement de dix mètres, un couronnement de latérite de vingt centimètres et la réfection de dix-neuf dalots, dont un double, capable de laisser filer les eaux des pluies de novembre sans couper la circulation.
SIPAM, connue pour son travail sur la RN2, doit d’abord rétablir la plateforme dégradée par les crues de la Louessé. Universelle Atlantique BTP, adjudicataire du second lot, apportera son savoir-faire en génie civil pour les franchissements jugés critiques par les riverains.
Selon le calendrier rendu public, les équipes se relaieront jour et nuit jusqu’en février. L’objectif est de profiter de la saison sèche pour les terrassements, puis d’utiliser les premières pluies comme compacteur naturel, méthode éprouvée sur d’autres pistes agricoles du Niari.
Les géologues du ministère ont cartographié dix zones argileuses susceptibles de gonfler sous l’humidité. Des drains profonds seront creusés pour stabiliser ces points noirs. Cette démarche anticipe les coûts d’entretien futurs souvent sous-estimés dans les budgets communautaires.
Des bénéfices palpables pour la jeunesse
Chaque tronçon terminé doit immédiatement être ouvert afin de maintenir le trafic, notamment des mototaxis reliant Kimba à Kindamba. Ce phasage, détaille le chef de projet Serge Batombe, « évite les ruptures d’approvisionnement de manioc et protège le pouvoir d’achat des jeunes ménages ».
L’université Marien-Ngouabi estime que près de 250 emplois directs seront créés pendant le chantier, dont 60 % pourront être pourvus par des jeunes du Pool après une courte formation. Les communes espèrent que ces compétences resteront sur place pour l’entretien futur.
Au-delà de l’emploi, l’impact est commercial : la durée du trajet Mindouli-Kindamba passera de quatre heures à moins de deux, selon les projections de l’Agence de régulation des transports terrestres, ce qui devrait réduire de 30 % le prix des vivres frais à Brazzaville.
Le directeur général de l’entretien routier, Landry Francis Gouloundou, résume l’enjeu : « Une route carrossable, c’est un centre de santé approvisionné et un agriculteur payé au juste prix. » Son propos résonne auprès des organisations de jeunesse qui militent pour la fixation des talents en milieu rural.
Financement et contrôle de qualité
Le financement mobilise le Fonds national d’entretien routier, abondé par une partie de la taxe sur les produits pétroliers. Cette disposition, votée en 2017, garantit la disponibilité de trésorerie même en période de tension budgétaire, rappelle l’économiste Césaire Masamba.
La mission de contrôle est confiée au Bureau Veritas, choisi après appel d’offres. Des essais granulométriques seront réalisés chaque semaine et publiés sur un tableau d’affichage communal pour impliquer la société civile. Cette transparence, nouvelle, vise à renforcer la confiance des bailleurs.
Les ingénieurs rappellent que le taux d’érosion dans le Pool atteint parfois 50 mm par an. Les remblais devront donc être protégés par des banquettes végétales. Un partenariat est envisagé avec le Centre national de recherche forestière pour fournir des espèces endémiques résistantes.
La sécurité routière n’est pas oubliée : 320 panneaux de signalisation seront installés, dont 50 solaires, ainsi que six aires de repos équipées de points d’eau. Le commandant de la gendarmerie territoriale assure que des patrouilles motorisées accompagneront l’ouverture progressive des segments.
Du côté des usagers, une application mobile baptisée « Ntoto » doit signaler en temps réel les tronçons fermés ou ouverts. Développée par deux ingénieurs diplômés de l’université Denis Sassou Nguesso, elle testera le réseau 4G récemment déployé le long du corridor.
Un symbole de la vision gouvernementale
Pour les autorités, le chantier Mpiem-Kindamba dépasse la simple réfection d’une piste. Il s’inscrit dans la stratégie nationale de désenclavement lancée dès 2001 et réactualisée dans le Plan national de développement 2022-2026, qui cible vingt-trois axes prioritaires.
« Nous voulons que chaque producteur sente que le pays croit en lui », a déclaré la députée Adélaïde Moungani, rappelant que la sous-préfecture de Kindamba alimente déjà 18 % des besoins en tubercules de la capitale. La route doit solidifier cette position.
À Mindouli, les étudiants interrogés voient également une opportunité culturelle : la région, riche en sites historiques du mouvement Kimpa Vita, pourrait attirer des circuits écotouristiques si l’accès est assuré toute l’année. Le ministère du Tourisme dit suivre l’évolution du dossier.
Sur le terrain, les villages plantent déjà des rangées de palmiers pour border la future chaussée, symbole d’appropriation locale. Les rubans jaunes installés par les ouvriers tracent la nouvelle espérance : relier, échanger, grandir. Dans six mois, la promesse devra devenir réalité.
