Une édition du Fespam placée sous le signe de l’ouverture
En proclamant Brazzaville «capitale panafricaine de la musique» le temps d’une quinzaine, la douzième édition du Festival panafricain de musique (Fespam) s’est imposée comme un carrefour culturel dont l’aura dépasse désormais les frontières continentales. Pour la première fois, la République bolivarienne du Venezuela y délègue un ensemble artistique, le groupe Madera, conjuguant rythmes caribéens et héritages afro-descendants. Ce choix illustre la volonté des organisateurs, soutenus par les autorités congolaises, d’élargir le spectre des expressions musicales invitées tout en réaffirmant le rôle du Congo-Brazzaville comme place forte des échanges culturels Sud-Sud.
Le pari audacieux de la diplomatie culturelle vénézuélienne
Face au foisonnement de manifestations artistiques sur le continent, la présence de Madera répond à une stratégie de visibilité mûrement réfléchie par Caracas. «C’est pour la première fois qu’un groupe musical du Venezuela participe au Fespam. Je vous invite à venir nombreux», a déclaré l’ambassadrice Laura Evangelia Suarez, soulignant la symbolique d’une rencontre entre deux peuples unis par une histoire commune de résistances et d’aspirations sociales. Derrière la célébration sonore, se lit une approche de la diplomatie culturelle qui mise sur l’émotion partagée plutôt que sur les seules déclarations institutionnelles.
Une scène inattendue : l’orphelinat de Kombé en lumière
Au-delà des grandes salles, c’est au village des enfants Cardinal-Emile-Biayenda, situé dans le huitième arrondissement de Brazzaville, que se jouera l’un des temps forts du séjour congolais de Madera. Le 24 juillet, dès dix heures, les percussions caribéennes résonneront dans l’enceinte de cet orphelinat fondé pour offrir un foyer et une éducation à des dizaines de jeunes Congolais. Choisir un tel écrin revêt une dimension profondément humaniste : la musique ne se contente plus d’être spectacle, elle devient vecteur de solidarité et instrument d’inclusion sociale.
Les jeunes Congolais au cœur de la rumba bolivarienne
Pour la direction de l’établissement, l’arrivée de Madera constitue «une bouffée d’air artistique et un encouragement précieux pour des enfants qui se construisent un avenir malgré l’adversité». Les éducateurs espèrent que le contact direct avec ces musiciens, porteurs d’une histoire de résilience post-coloniale analogue à celle de l’Afrique centrale, nourrira la confiance et la créativité des pensionnaires. De leur côté, les artistes vénézuéliens ont promis d’animer des ateliers improvisés autour du cajón, du cuatro et du chant polyphonique, brouillant la frontière entre scène et salle de classe.
Fespam, vitrine de la coopération Sud-Sud
Depuis sa naissance en 1996, le Fespam se veut le miroir des convergences culturelles africaines. L’arrivée d’un ensemble latino-américain, après l’accueil régulier de formations caribéennes et européennes, souligne l’inflexion vers une coopération élargie, conforme aux orientations diplomatiques contemporaines du Congo-Brazzaville. Les autorités congolaises, qui ont facilité la logistique de cette tournée urbaine mêlant Palais des congrès, quartier Mayanga et orphelinat de Kombé, rappellent que la culture constitue un pilier de la diversification économique mais aussi de la projection internationale du pays.
Un crescendo d’espoirs musicaux pour 2024
Les deux premiers concerts de Madera, donnés les 22 et 23 juillet respectivement au Palais des congrès et à Mayanga, ont déjà attesté de la capacité du public brazzavillois à s’approprier des cadences hispano-caribéennes sans renoncer à sa propre rumba. Les improvisations partagées avec le collectif Kongo Salsa et l’ensemble Tam-Tam sans Frontières augurent d’une suite prometteuse : plusieurs producteurs locaux ont envisagé des collaborations en studio tandis que des écoles de musique enquêtent sur la possibilité de programmes d’échanges réguliers. Dans un contexte où la jeunesse congolaise cherche des horizons créatifs, la présence de Madera agit comme un catalyseur, démontrant que la pluralité identitaire peut se vivre en harmonie rythmique.
Brazzaville, carrefour pérenne des sonorités globales
Au terme de cette semaine frénétique, il restera l’écho d’une clameur qui a traversé les quartiers Sud jusqu’aux berges du fleuve : la musique, parce qu’elle ne connaît ni visa ni frontière, s’impose comme langage diplomatique par excellence. L’initiative conjointe du Fespam, de l’ambassade du Venezuela et des autorités congolaises confirme qu’un événement artistique peut, sans discours grandiloquent, renforcer les liens de proximité entre nations lointaines. Dans une époque où l’on redécouvre l’importance des solidarités concrètes, le concert au village des enfants Cardinal-Emile-Biayenda apparaît comme une preuve sensible que la culture peut ouvrir des portes que la politique hésitait à franchir.