Securitest débarque à Brazzaville
Le ruban a été coupé le 30 octobre sur l’avenue de l’Amitié, à Brazzaville. Sous les flashs, Éric Brice Atipo Yandza, chef de la circulation à la DGTT, a dévoilé le centre Securitest, premier site agréé dédié aux motocycles et tricycles de la capitale.
Le projet reflète la stratégie gouvernementale visant à moderniser le transport terrestre et à sécuriser une flotte qui dépasse, selon la DGTT, cinquante mille engins à deux ou trois roues circulant chaque jour dans Brazzaville et ses périphéries, souvent sans contrôle technique structuré.
Des équipements calibrés pour les deux-roues
Securitest s’est équipé d’un banc de freinage adapté aux petites roues, d’un système de pesée ultra-précis et d’un scanner de châssis. Chaque moto est photographiée, enregistrée, puis reliée à sa carte grise numérique, un procédé inédit dans le pays, assure l’équipe technique.
En moins de quinze minutes, le contrôleur inspecte la plaque, vérifie les numéros de série, teste la pollution et imprime un rapport détaillé. « Le logiciel nous aide à détecter la moindre anomalie », explique Akondzo Apounou Chris, informaticien-technicien, fier de cette plateforme semi-automatisée.
La force du décret 2024-324
Cette innovation s’appuie sur le décret 2024-324 du 9 juillet, désormais pierre angulaire de la réglementation moto. Le texte rend obligatoire un contrôle annuel dans un centre agréé et prévoit des amendes progressives pour les retardataires, tout en responsabilisant les propriétaires sur l’entretien régulier.
« Le décret vient combler un vide juridique », rappelle Gille Ondélé Kanga, président des motocycles du Congo. Selon lui, l’opérationnalisation de Securitest montre que la DGTT ne se contente plus de campagnes de sensibilisation mais propose un dispositif concret, mesurable et accessible aux usagers.
Motards et techniciens témoignent
Sur le parking, Cédric, livreur de repas, attend son tour casque sous le bras. « Avec ce certificat je serai plus tranquille aux contrôles routiers », confie-t-il. Il estime que les frais, fixés à 6 000 francs CFA, restent abordables pour la plupart des conducteurs.
Plus loin, Mireille, coursière à tricycle, voit dans l’ouverture du centre une forme de reconnaissance. « On parle souvent de nous seulement pour les bouchons, aujourd’hui on nous offre un service professionnel », sourit-elle, avant de saluer la rapidité de la procédure comparée aux lourdeurs administratives habituelles.
Du côté des techniciens, le centre a recruté huit jeunes diplômés en mécanique et en informatique. Ils ont suivi deux semaines de formation assurée par des experts français de la maison mère Securitest, gage d’un transfert de compétences qui devrait, espèrent-ils, profiter à tout le secteur.
Sécurité routière, un enjeu collectif
Les statistiques de la police révèlent que 28 % des accidents enregistrés à Brazzaville impliquent des deux-roues, souvent mal entretenus. En ciblant les freins déficients et les pneus lisses, Securitest pourrait inverser la courbe, affirme André Oba, ingénieur sécurité routière, qui attend désormais des chiffres officiels.
La certification délivrée contient un QR code que les forces de l’ordre peuvent scanner avec un smartphone pour vérifier l’authenticité, limitant ainsi la fraude. Cette fonctionnalité s’inscrit dans la dynamique de numérisation voulue par les autorités pour simplifier les démarches administratives liées au transport.
Les chauffeurs de taxi estiment déjà que la mesure pourra fluidifier la circulation. « Moins de motos défectueuses, c’est moins de pannes au milieu des carrefours », avance Jonas Mankoto, conducteur de Corolla. Les associations de victimes d’accidents saluent également un pas important vers des routes plus sûres.
Un réseau en pleine expansion
Pour la DGTT, ce premier centre n’est qu’une étape. Trois autres implantations sont déjà en repérage à Makélékélé, Talangaï et Pointe-Noire. L’objectif affiché est de couvrir tout le corridor national numéro un avant la fin 2025, permettant aux voyageurs interurbains de rouler sereinement.
Des partenariats avec des garages de quartier sont à l’étude pour orienter rapidement les propriétaires vers des réparations homologuées. « Nous voulons créer un écosystème où contrôle et maintenance se répondent », précise Éric Brice Atipo Yandza, convaincu que la prévention reste le meilleur frein.
Vers une mobilité plus sûre et inclusive
A moyen terme, Securitest envisage d’introduire un service mobile capable de se rendre sur les marchés périurbains le week-end. Cette unité itinérante, montée sur un camion, permettrait de toucher les communes enclavées où les motos représentent parfois l’unique moyen de transport collectif.
Pour l’heure, les moteurs vrombissent dans la file. Brazzaville découvre un outil pensé pour elle, entre innovation technologique et volonté de sauvegarder des vies. Si les usagers jouent le jeu, la ville pourrait devenir un modèle sous-régional de contrôle technique moto, affirment les spécialistes.
Emplois et campagne digitale
Les retombées économiques ne sont pas négligeables: audit, assurance, vente de pièces certifiées pourraient générer, selon la Chambre de commerce, plus de trois cents emplois indirects. De quoi, souligne le député du 3e arrondissement, soutenir l’entrepreneuriat local et améliorer la chaîne de valeur automobile.
En attendant ces développements, la priorité reste la sensibilisation. La DGTT prévoit une campagne sur TikTok et des spots radio en lingala et kituba pour rappeler les échéances. L’idée est de transformer le contrôle technique en réflexe citoyen, au même titre que le port du casque.
