Une santé des jeunes à la loupe
Au Congo-Brazzaville, près de quatre habitants sur dix ont moins de 20 ans, un indicateur démographique qui transforme chaque choix sanitaire en enjeu d’avenir national. Les autorités misent sur la santé sexuelle et reproductive pour réduire les grossesses précoces et soutenir la scolarité des filles.
L’atelier d’harmonisation clôturé récemment à Brazzaville a consolidé cette orientation. Animé par la Direction de la santé de la reproduction, il a rassemblé cadres ministériels, médecins, ONG et représentants d’organismes multilatéraux décidés à traduire la théorie des textes en services concrets pour les jeunes.
Qu’entend-on par paquet harmonisé?
Le paquet harmonisé regroupe des consultations confidentielles, la planification familiale, la prévention du VIH, le dépistage des infections sexuellement transmissibles, le soutien psychosocial et l’orientation vers les structures spécialisées. L’idée est d’éviter aux adolescents un parcours fractionné qui les décourage souvent d’aller jusqu’au bout.
Selon Michèle Mountou, directrice de la santé de la reproduction, « l’harmonisation garantit la même qualité de service que l’on vive à Ouesso ou dans le huitième arrondissement ». Cette uniformité facilite également la collecte de données, élément clé pour suivre les indicateurs fixés par le ministère.
Tabous et obstacles persistants
Les professionnels saluent les avancées mais ne minimisent pas les tabous qui entourent encore la sexualité juvénile. Beaucoup de jeunes craignent d’être jugés par leur entourage ou de croiser un membre de la famille au centre de santé. Cette crainte alimente l’automédication ou la confiance aux rumeurs.
La stigmatisation touche aussi les garçons suspectés d’infidélité ou de promiscuité parce qu’ils demandent un dépistage. Pour casser ces barrières, le paquet harmonisé inclut des sessions de communication communautaire, parfois assurées par de jeunes pairs formés, plus crédibles que les adultes auprès de leur génération.
Partenaires et financement
Le Fonds des Nations unies pour la population, l’UNICEF et plusieurs bailleurs bilatéraux soutiennent déjà les cliniques amis des jeunes dans neuf départements. Leur appui se matérialise en kits contraceptifs, formation du personnel et développement d’outils numériques d’information afin de répondre à une demande croissante.
« Investir aujourd’hui, c’est économiser demain en frais d’hospitalisation liés aux complications obstétricales », rappelle le docteur Aimé Ibata, consultant auprès de la Banque mondiale. Il souligne que chaque dollar injecté dans la prévention rapporte en moyenne neuf dollars de productivité ajoutée d’après des estimations régionales.
Mesurer pour progresser
Les participants recommandent un système de reporting unique adossé à la plateforme DHIS2 déjà utilisée par le ministère de la Santé. L’objectif est de disposer de statistiques fiables sur la fréquentation des centres, la couverture contraceptive et la prévalence des infections afin d’ajuster rapidement les actions.
Un indicateur clé sera la proportion d’adolescentes qui reçoivent une méthode contraceptive moderne à leur première visite. Aujourd’hui, elle dépasse rarement 25 % selon les données présentées. Les formateurs espèrent atteindre 40 % d’ici trois ans, en renforçant l’approvisionnement et la qualité du counseling.
Parole aux jeunes
Charly Babin Christ Mbemba, président départemental du Parlement des enfants, salue l’usage de canaux interactifs comme Hello Ado, TicTac Ados ou U-Report. « Ces plateformes brisent la glace. On pose une question à minuit, on obtient une réponse fiable avant le cours du matin », explique-t-il.
Les influenceurs santé présents sur TikTok ou Instagram, souvent étudiants en médecine, traduisent la terminologie scientifique en langage de rue. Leur crédibilité se mesure au nombre de partages, mais les autorités restent attentives à la véracité des messages afin d’éviter la diffusion de conseils dangereux.
La dimension genre
Le paquet harmonisé met l’accent sur le consentement et l’égalité. Les sages-femmes sont formées à interroger la situation d’éventuelle violence, car une grossesse sur huit chez les mineures résulterait d’une coercition. Orienter vers des services juridiques devient alors partie intégrante de la prise en charge globale.
Projections et calendrier
Le plan d’action validé prévoit une phase pilote dès janvier prochain dans trois districts, avec un passage à l’échelle nationale en 2026. Chaque région définira une cartographie des besoins pour adapter le volume de contraceptifs et le nombre de points d’écoute dédiés aux jeunes.
Les autorités sanitaires misent sur une mobilisation continue des comités locaux et des mairies pour garantir la pérennité financière au-delà des subventions extérieures. « Les budgets d’investissement doivent bientôt devenir des budgets de fonctionnement », insiste un haut fonctionnaire, évoquant la nécessaire appropriation par les collectivités.
Le pari d’une génération en meilleure santé
Si le calendrier est respecté, les premiers effets devraient se mesurer dans les dix prochaines années par une baisse du taux de mortalité maternelle des adolescentes et une hausse des inscriptions scolaires postérieures à la grossesse. Des indicateurs scrutés par les bailleurs, mais surtout par les familles.
Au-delà des chiffres, les observateurs soulignent qu’un adolescent qui maîtrise sa santé reproductive gagne en confiance, condition essentielle pour participer activement à la vie économique du pays. Le paquet harmonisé n’est donc pas seulement un outil médical, mais une pièce du puzzle développemental congolais.
