Un bureau stratégique à Shanghai
En inaugurant son premier bureau international à Shanghai, la Chambre africaine de l’énergie fait un pas décisif vers l’Asie. L’organisme vise à transformer la ville-monde en carrefour où décideurs africains et investisseurs chinois discutent stratégie, technologie et financements.
Dr Bieni Da, nommé représentant en Chine, pilotera les échanges. Fort de réseaux publics et privés, il veut fluidifier les rencontres et s’assurer que chaque projet africain trouve, à Shanghai, un guichet unique capable d’accélérer signatures, due diligence et bouclage financier.
L’initiative s’inscrit dans la vision de l’AEC : bâtir un réseau planétaire où l’Afrique n’est plus seulement invitée mais cheffe d’orchestre, en ligne avec l’Agenda 2063 de l’Union africaine et les stratégies nationales de croissance sobre en carbone.
Capital congolais et continental en ligne de mire
Entre trente et cinquante milliards de dollars manquent chaque année pour financer l’énergie en Afrique, rappelle la Banque mondiale. Pour les jeunes sociétés congolaises, lever des fonds reste ardu. Les guichets chinois, réputés rapides, pourraient combler une partie de ce fossé.
Grâce à ses infrastructures financières robustes, Shanghai sert déjà de rampe de lancement à plusieurs projets africains dans les télécoms et les transports. L’AEC veut reproduire ce succès dans le pétrole, le gaz, l’hydrogène vert et le solaire, secteurs prioritaires des plans nationaux.
NJ Ayuk, président exécutif, estime que « le timing est parfait : alors que l’Occident ralentit ses engagements fossiles, la Chine dispose d’appétit et de technologies pour tout le spectre, de l’amont au downstream, y compris raffinage et fabrication locale d’équipements ».
Le défi du financement énergétique africain
Selon l’Agence internationale de l’énergie, il faudrait quintupler l’investissement annuel sur le continent pour atteindre l’accès universel d’ici 2030. Or les taux d’intérêt élevés et la perception du risque pèsent encore sur les portefeuilles des bailleurs traditionnels.
La présence d’un bureau AEC en Asie change la donne : les banques commerciales chinoises mobilisent volontiers des montages structurés, alliant dette, contrats d’off-take et garanties d’État. Cette approche séduit les start-up congolaises tournées vers le gaz de pétrole liquéfié ou les micro-réseaux solaires.
Toutefois, les observateurs appellent à la vigilance sur la qualité des contrats. « Il faut des accords transparents, indexés sur la valeur réelle des réserves et compatibles avec nos lois environnementales », insiste un cadre du ministère congolais des Hydrocarbures sollicité à Brazzaville.
Projet Bango Kayo : vitrine congolaise d’un partenariat gagnant
Parmi les dossiers phares facilités par l’entremise chinoise, le développement du champ Bango Kayo, mené par Wing Wah, retient l’attention. Avec deux milliards de dollars, l’objectif est de récupérer le gaz jadis torché pour alimenter le réseau domestique et stimuler l’industrie locale.
La première unité, déjà opérationnelle, traite un million de mètres cubes par jour. Deux autres suivront en 2025, portant la capacité à cinq millions. Ces volumes devraient réduire l’importation de butane, créer des emplois qualifiés et abaisser le coût de l’énergie pour les foyers.
Pour le gouvernement, le projet illustre la valeur d’une coopération « gagnant-gagnant » qui privilégie le contenu local. Les étudiants de l’École supérieure de géologie de Brazzaville participent déjà à des stages terrain, tandis que des PME congolaises fournissent ciment, maintenance et services logistiques.
Tech, IA et véhicules électriques au menu
Au-delà du pétrole, l’AEC veut ouvrir des couloirs pour l’intelligence artificielle appliquée à l’exploration, les drones d’inspection et la fabrication de bornes de recharge. Ces niches correspondent aux aspirations des jeunes diplômés brazzavillois, avides de se positionner sur les chaînes de valeur futures.
La Chine possède un avantage comparatif dans les batteries et le raffinage de métaux critiques. Un partenariat équilibré pourrait voir surgir, à Pointe-Noire, une micro-usine pilote de cathodes, soutenue par des capitaux shanghaïens et des incitations fiscales locales ciblant la transition énergétique.
Les premières discussions porteront également sur le recyclage des panneaux photovoltaïques en fin de vie, domaine où la Chine détient une expertise unique. Pour les start-up congolaises de l’économie circulaire, l’accès à ce savoir-faire représente un levier de compétitivité et de durabilité.
Jeunes talents et diplomatie économique
Le bureau shanghaïen lancera, dès 2024, un programme de bourses croisant universités congolaises et instituts technologiques chinois. L’objectif est clair : former une génération de cadres capables de négocier en mandarin, d’analyser un cash-flow et de superviser un chantier offshore.
Des forums annuels devraient aussi installer Shanghai comme place incontournable du dialogue Sud-Sud. « L’énergie peut rapprocher les peuples autant que la musique », glisse une entrepreneuse congolaise présente à la cérémonie d’ouverture, confiante dans l’idée que les collaborations court-circuitent désormais les vieux clichés.
En misant sur la diplomatie économique et l’inclusion des jeunes, l’AEC espère prouver que l’intégration africaine peut se conjuguer avec la mondialisation. Les résultats attendus seront évalués à la prochaine Semaine africaine du pétrole, où un premier rapport d’étape sera dévoilé.
Pour rassurer les bailleurs, l’AEC publiera un tableau de bord trimestriel détaillant flux de capitaux, emplois locaux et émissions évitées, offrant ainsi une transparence jugée essentielle par les observateurs financiers.
