Une mine polymétallique au cœur des ambitions congolaises
Au nord-ouest de la République du Congo, dans le département de la Sangha, la mine de Soremi occupe une place stratégique dans l’architecture de la diversification économique nationale. Découvert dans les années 2000, le gisement allie cuivre, zinc et parfois terres rares, offrant un potentiel de recettes d’exportation nettement supérieur à celui des filières traditionnelles. Les autorités congolaises ont régulièrement rappelé qu’une valorisation optimisée de ces richesses minérales pouvait soutenir l’investissement dans les infrastructures, l’enseignement supérieur et les initiatives entrepreneuriales portées par une jeunesse de plus en plus formée. Dans ce contexte, la mise sur le marché de 10 000 tonnes de cathodes de cuivre et de 40 000 tonnes de lingots de zinc suscite une attention soutenue des milieux d’affaires.
Un différend contractuel qui franchit les frontières
Le 27 juin 2025, Gerald Group, négociant de métaux basé à Londres, a publié une note d’alerte dénonçant le caractère qu’il estime « irrégulier » des appels d’offres diffusés par Soremi SA. Selon le groupe britannique, un accord exclusif de commercialisation conclu en 2019 lui octroierait toujours la priorité sur la vente d’une partie de la production du site. L’entreprise affirme qu’elle a investi dans la chaîne logistique, de la manutention portuaire à l’assurance-crédit. Elle juge par conséquent que toute cession à un tiers sans son aval contreviendrait aux stipulations contractuelles et aux usages du commerce international (Financial Times). De son côté, Soremi réplique que l’accord en question aurait atteint son terme fin 2023 et que la recherche de nouveaux acheteurs relève d’une gestion saine des actifs de l’État actionnaire.
Les arguments juridiques mis en avant
La controverse repose sur la clause de prorogation automatique. Gerald Group soutient qu’un avenant adossé à l’accord initial prolonge la collaboration jusqu’en 2027, sous réserve que la société demeure en capacité de financer le prélèvement, le transport et le stockage du minerai. Les avocats mandatés par la multinationale invoquent le droit OHADA applicable dans l’espace économique congolais ainsi que la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises, afin de conforter la portée extraterritoriale de l’engagement. Pour sa part, Soremi invoque le décret présidentiel de février 2024 encadrant la renégociation périodique des contrats à long terme dans les secteurs extractifs, un texte conçu pour garantir que les conditions économiques restent alignées sur les réalités du marché. « Nous agissons conformément aux principes de souveraineté et de transparence », a indiqué un responsable du ministère des Mines. Les juristes congolais soulignent qu’en cas de litige, le centre d’arbitrage de la CEMAC pourrait être saisi, ce qui limiterait la judiciarisation dans des places éloignées peu familières des spécificités régionales.
Enjeux économiques pour la jeunesse congolaise
Au-delà de la question purement contractuelle, l’affaire touche la perception du climat des affaires par les investisseurs étrangers et, par ricochet, les opportunités d’emplois qualifiés. Les trois cents jeunes géologues, ingénieurs et techniciens formés depuis 2018 grâce aux bourses Soremi-État comptent sur la continuité de l’exploitation pour asseoir leur insertion professionnelle. « Tout retard dans la commercialisation affecte le calendrier de production et donc la stabilité de nos contrats de travail », confie un ingénieur process de vingt-huit ans. Les organisations de jeunes entrepreneurs, elles, voient dans le différend une incitation à renforcer les mécanismes nationaux de règlement des conflits commerciaux, afin de réduire la dépendance aux arbitrages extérieurs. Le contexte régional, marqué par une compétition accrue pour les capitaux miniers, impose selon elles une communication claire qui rassure sans pour autant diluer la souveraineté économique.
Perspectives de résolution et climat des affaires
Les discussions se poursuivent dans un esprit que les deux parties qualifient de « constructif ». D’après des sources proches du dossier, un compromis pourrait reposer sur une répartition des volumes : Soremi lancerait des appels d’offres pour une part du zinc, tandis que le cuivre resterait sous mandat de Gerald jusqu’à l’issue d’un audit conjoint des coûts logistiques. Ce scénario permettrait de préserver les recettes fiscales immédiates dont dépend la mise en œuvre de projets sociaux annoncés dans le Plan national de développement 2022-2026. Les observateurs estiment qu’une solution négociée offrirait un signal positif aux bailleurs internationaux, sans créer un précédent susceptible d’entraver la flexibilité stratégique de l’État. En attendant, la mine fonctionne à régime réduit, donnant à la jeunesse congolaise engagée dans la filière l’occasion de poursuivre sa montée en compétences via des formations continues financées par le Fonds de développement minier. Ainsi, le différend, loin de traduire une crise ouverte, apparaît comme une étape de maturation juridique et commerciale, susceptible de renforcer la robustesse du cadre réglementaire congolais.