Une rentrée historique à Souanké
Le soleil venait à peine de se lever sur la Sangha, lundi 11 novembre, lorsque les cinquante premiers apprenants du Centre des métiers des mines de Souanké ont franchi le portail flambant neuf.
Cette image, saisie par les smartphones des étudiants, marque l’ouverture effective du CEFA, attendue par toute la contrée depuis l’annonce du projet présidentiel il y a trois ans.
Des formations taillées pour l’industrie extractive
L’établissement public propose deux filières fortes : mineur-foreur et soudeur industriel.
Pour Christophe Lia, directeur général de l’enseignement professionnel, ces cursus répondent « à un besoin réel de main-d’œuvre qualifiée dans les sociétés minières et pétrolières du pays ».
Les six premiers mois seront consacrés à la théorie, dispensée dans des salles équipées d’écrans tactiles et de simulateurs 3D, avant une immersion pratique sur les chantiers des partenaires industriels de la Sangha et de la Cuvette.
Une opportunité pour la jeunesse locale
Interdit aux moins de seize ans, le centre vise en priorité les jeunes sortis du collège ou des chantiers artisanaux, désireux de transformer leurs savoir-faire empiriques en diplômes reconnus par l’État et les multinationales.
« Saisissez cette chance unique », a insisté Christophe Lia devant les élèves alignés en bleu de travail, rappelant que les meilleurs pourront bénéficier de stages rémunérés et, à terme, d’un emploi stable au sein des projets miniers nationaux.
Souanké se met sur son trente-et-un
À une semaine de la venue annoncée du président Denis Sassou Nguesso pour l’inauguration officielle, la sous-préfecture bourdonne d’activité.
Dans la salle municipale, chefs traditionnels, autorités administratives et élus peaufinent le protocole d’accueil, tandis que les fanfares scolaires répètent les hymnes sous un chapiteau prêté par la mairie.
Le sous-préfet Georges Nzengué résume l’état d’esprit général : « Les habitants sortiront de toute part pour saluer le chef de l’État ». Son message circule déjà en boucle sur WhatsApp.
L’économie locale déjà dopée
Depuis l’annonce de la visite présidentielle, les étals du marché central ne désemplissent pas.
Un commerçant ouest-africain confie qu’il écoule désormais en une matinée autant de pagnes, de lampes solaires et de boissons qu’en trois jours ordinaires, porté par la vague de visiteurs et de fonctionnaires mobilisés.
Les hôteliers ont affiché complet, obligeant certains journalistes à réserver des maisons d’hôtes à des bourgs voisins, preuve que l’événement génère déjà une micro-relance touristique.
L’élan spirituel et citoyen
Les communautés religieuses, catholique, protestante et musulmane, se relaient pour des veillées de prière dédiées au bon déroulement des cérémonies et à la prospérité des apprenants.
Le révérend-pasteur Emmanuel Ikama explique que cette mobilisation spirituelle « renforce l’unité et montre que l’éducation professionnelle est l’affaire de tous ».
Au lycée de Souanké, les élèves de terminale participent à des ateliers de sensibilisation sur les métiers des mines, animés par d’anciens foreurs revenus témoigner de leurs parcours.
Pour la lycéenne Grâce Mbemba, qui brandit fièrement son smartphone devant la caméra d’une influenceuse locale, « cette école prouve que l’on peut réussir ici, sans forcément partir à Brazzaville ». Son témoignage a déjà récolté des milliers de vues sur TikTok.
Des perspectives régionales
Au-delà de Souanké, le ministère des Mines projette déjà de reproduire le concept dans les districts voisins de Sembé et Pikounda, afin de créer un maillage de compétences locales capable de soutenir les ambitions du Plan national de développement 2022-2026.
Un modèle de partenariat public-privé
Le financement du CEFA mélange fonds publics, redevances minières et mécénat d’entreprises établies dans le corridor Sangha-Cuvette, à l’image du groupe Hanter Mining qui a fourni les premiers kits de soudure.
Pour Rodolphe Okombi, économiste spécialisé dans l’extraction, « ce schéma offre une garantie d’employabilité, car les sociétés partenaires adaptent directement les contenus pédagogiques aux réalités du terrain ».
Il ajoute que le projet cadre avec la stratégie gouvernementale de local content, qui vise à augmenter la part des Congolais dans les emplois techniques de l’industrie extractive tout en limitant les expatriations de devises.
Les experts et les débouchés
Consultant pour le Pnud, l’ingénieur camerounais Jean-Claude Foko estime que l’ouverture du centre peut réduire de 15 % les importations de main-d’œuvre spécialisée dans le nord du Congo dès 2025, si le rythme de formation est maintenu.
De son côté, la sociologue Marine Madingou souligne l’effet aspirateur d’un tel équipement : « Lorsqu’une commune accueille une école technique moderne, elle attire simultanément artisans, fournisseurs et start-ups de services ».
Le ministère de la Jeunesse prépare déjà un fonds d’appui destiné aux diplômés souhaitant créer leur micro-entreprise de maintenance ou de forage artisanal, afin d’élargir encore les débouchés.
Vers l’inauguration officielle
Le 18 novembre, une tribune de cinq cents places sera dressée face aux ateliers, décorée des drapeaux vert, jaune et rouge.
Des artistes locaux, dont le rappeur Prince Sony et la chorale Mboté Gospel, ouvriront la cérémonie avant les discours officiels et la coupure symbolique du ruban.
Le programme prévoit ensuite une visite guidée des ateliers, un déjeuner communautaire et un match de gala opposant l’équipe du CEFA à la sélection de Souanké, illustration conviviale du lien entre formation et cohésion sociale.