Un serment sous le regard des plus hautes autorités
En robe d’audience, la main droite levée, Valère Gabriel Eteka-Yemet a scellé le 3 juillet, au palais de justice de Brazzaville, son engagement de Médiateur de la République. La cérémonie, présidée par le premier président de la Cour suprême, Henri Bouka, s’est déroulée devant un parterre où se côtoyaient membres du gouvernement, dignitaires religieux et diplomates. Le ministre d’État Firmin Ayessa, visage institutionnel de la gouvernance administrative, a salué « l’esprit de service public » qui doit, selon lui, guider le nouvel arbitre des litiges administratifs. Dans cette atmosphère solennelle, l’hommage rendu à Hilaire Montault, premier titulaire de la fonction disparu en 2023, a rappelé la dimension mémorielle et exigeante de la charge.
La désignation d’Eteka-Yemet, entérinée par un décret présidentiel du 30 mai, illustre la volonté de continuité au sommet de l’État. Pour de nombreux observateurs, le choix d’un docteur en droit spécialisé en droits humains traduit une orientation résolument axée sur la protection du citoyen, sans rompre avec l’équilibre institutionnel voulu par la Constitution congolaise.
Du défenseur des droits à l’artisan de la conciliation
Né le 14 novembre 1958 à Pointe-Noire, ancien premier secrétaire de l’Assemblée nationale et président de la Commission nationale des droits de l’homme, le nouveau Médiateur affiche un curriculum dense. Son parcours, aux confins du législatif et de l’exécutif, lui a forgé une connaissance fine des méandres administratifs. « Abandonner les certitudes acquises pour endosser la neutralité absolue du Médiateur », l’a exhorté Henri Bouka, rappelant que la fonction n’est ni celle d’un avocat ni celle d’un juge, mais plutôt celle d’un facilitateur.
La rhétorique du premier président de la Cour suprême met en lumière le pivot éthique de la mission : rendre intelligible l’action publique et garantir l’équité de traitement des usagers. En acceptant cette transition, Eteka-Yemet s’inscrit dans la logique des organes consultatifs voulus par les réformes institutionnelles successives, destinées à renforcer la confiance populaire.
Une jeunesse en quête de réactivité administrative
Au-delà des considérations protocolaires, la nomination intervient dans un contexte d’attentes fortes chez les 20-35 ans, premiers utilisateurs des services publics numériques et guichets uniques. Nombreux sont ceux qui regrettent des procédures encore lentes, parfois opaques. Pour Arnaud Ngollo, juriste et entrepreneur brazzavillois de 29 ans, « la médiation doit devenir un réflexe, pas un dernier recours ». Les réclamations les plus fréquentes portent sur la délivrance des documents d’identité, la fiscalité locale ou l’orientation universitaire.
Ces préoccupations rejoignent la volonté présidentielle de modernisation de l’appareil administratif, exprimée lors du Forum national sur la fonction publique de 2022. Le Médiateur se voit donc confier la délicate tâche d’incarner une interface accessible, capable de convertir la technicité juridique en pédagogie citoyenne.
Des chantiers prioritaires à géométrie sociale
Interrogé à l’issue de l’audience, Eteka-Yemet a indiqué vouloir « humaniser davantage les rapports entre agents et administrés » en s’inspirant du modèle instauré par son prédécesseur. Parmi les axes envisagés figurent la dématérialisation des plaintes, l’installation d’antennes régionales et la publication d’un rapport annuel public. Une telle transparence statistique, pratiquée dans plusieurs pays de la sous-région, favoriserait la formulation de solutions ciblées.
La mise en place d’un comité interministériel de suivi, associant Finances, Fonction publique et Communication, est également évoquée par certains conseillers pour fluidifier la mise en œuvre des recommandations du Médiateur. L’enjeu est double : réduire les délais de réponse et promouvoir une culture administrative axée sur le résultat.
Un pari institutionnel sur la durabilité
En dressant les priorités à venir, Eteka-Yemet insiste sur la convergence entre sa nouvelle responsabilité et son précédent mandat à la tête de la Commission nationale des droits de l’homme. Les deux postes partagent la même colonne vertébrale : la dignité du citoyen. Sur ce terrain, la collaboration avec les organisations de la société civile s’annonce cruciale afin de consolider la diffusion des bonnes pratiques.
La longévité de l’institution du Médiateur dépendra, selon plusieurs universitaires de l’Université Marien-Ngouabi, de la capacité à articuler recommandations et mécanismes contraignants. Légitimé par son serment et soutenu par les plus hautes autorités, le nouveau titulaire dispose d’un capital de confiance qu’il lui appartient de transformer en résultats tangibles. Entre rigueur juridique et sens de l’écoute, le défi est de concilier l’impératif d’efficacité administrative et la volonté d’une gouvernance toujours plus inclusive, gage d’un avenir harmonieux pour la République du Congo.
