Abidjan, vitrine d’une entente institutionnelle en pleine maturité
La chaleur équatoriale de la fin juin n’a pas refroidi l’enthousiasme qui régnait sous le grand dôme de l’Assemblée nationale ivoirienne. Invité en qualité d’hôte d’honneur, le président de la Chambre basse congolaise, Isidore Mvouba, a franchi le perron avec ce mélange de gravité protocolaire et de cordialité qui caractérise les rencontres entre Brazzaville et Abidjan. Le décor allait bien au-delà d’une simple visite de courtoisie ; il s’agissait d’un moment charnière destiné à formaliser une coopération interparlementaire vieille de plusieurs décennies mais, jusqu’ici, peu institutionnalisée.
La diplomatie présidentielle, moteur silencieux des dialogues parlementaires
Dans le préambule de son allocution, Isidore Mvouba a rappelé l’estime réciproque qui unit Denis Sassou Nguesso et Alassane Ouattara, deux dirigeants pour lesquels l’histoire récente a réservé des convergences décisives. Cette connivence, désormais auréolée par la dignité de Grand-Croix de l’ordre national ivoirien conférée au président congolais en 2023, sert de toile de fond à une entente plus technique entre législateurs. Le message est limpide : lorsque l’exécutif affiche l’unité, le législatif trouve un terrain fertile pour bâtir des ponts normatifs au service des peuples.
Des ressources congolaises en partage : plaidoyer pour une législation prospective
S’exprimant avec la retenue qu’imposent les usages diplomatiques, Isidore Mvouba a dressé un état des lieux des richesses congolaises, de l’or noir du littoral aux dix millions d’hectares arables tapissant l’arrière-pays. Conscient que la manne pétrolière doit se muer en levier de diversification, il a insisté sur la nécessité de codes d’investissements flexibles et de textes alignés sur les exigences de la transition énergétique. Le parallèle avec la Côte d’Ivoire, engagée dans un programme d’accélération industrielle, souligne l’opportunité d’une harmonisation législative capable d’attirer les capitaux tout en protégeant les écosystèmes forestiers denses partageant le même bassin climatique.
Jeunesse africaine et révolution numérique : les législatures à l’épreuve de l’IA
Dans un hémicycle ivoirien où la moyenne d’âge des députés peine à refléter celui de populations dont plus de la moitié a moins de 25 ans, la question de la participation juvénile est revenue avec insistance. « Nos enfants dialoguent désormais avec des algorithmes ; il nous revient d’ériger des garde-fous qui n’entravent pas l’innovation », a lancé Isidore Mvouba, défendant un encadrement de l’intelligence artificielle à l’échelle sous-régionale. Pour les jeunes adultes congolais, souvent entrepreneurs de technologies frugales, la perspective d’un espace réglementaire unifié entre le golfe de Guinée et le bassin du Congo ouvre des horizons de mobilité et de financements.
Sécurité climatique et décennie du reboisement : un front commun attendu
La Décennie de l’afforestation et du reboisement, portée par la République du Congo puis endossée par l’Assemblée générale des Nations unies, s’est invitée au cœur des débats. Les parlementaires ivoiriens ont reconnu, par la voix de leur président Adama Bictogo, la nécessité de s’aligner sur ce calendrier vert afin d’amplifier une diplomatie climatique africaine qui ne se réduise pas à la communication des sommets. Les deux chambres entendent conjuguer leurs efforts pour transformer le couvert végétal en actif économique partagé, via des projets de crédits carbone robustes et transparents.
Vers un mémorandum d’entente : architecture future de la coopération législative
La perspective de conclure un mémorandum d’entente marque le passage symbolique de la volonté politique à la formalisation juridique. Les équipes techniques planchent déjà sur un calendrier d’échanges réciproques, comprenant des sessions conjointes sur la lutte contre les inégalités, l’entrepreneuriat féminin et la gouvernance numérique. Au-delà de la dimension institutionnelle, c’est une nouvelle cartographie des opportunités qui se dessine pour les start-uppers, agripreneurs et acteurs culturels évoluant entre Brazzaville, Pointe-Noire, Abidjan et Bouaké.
Intégration africaine et multilatéralisme : un écho à Séville
Adama Bictogo a profité de la clôture de la session ordinaire 2025 pour rappeler le rôle pivot des parlements dans la mise en œuvre des conclusions de la quatrième Conférence internationale sur le financement du développement tenue à Séville. En appelant à un multilatéralisme réinventé face aux flux financiers illicites, il a placé la barre haut. Le Congo, fort d’un cadre macroéconomique stabilisé et d’une diplomatie proactive, se dit prêt à apporter son expertise, notamment dans la canalisation des investissements vers des infrastructures bas carbone.
Enjeux et attentes d’une jeunesse congolaise en quête de projection
Si la rhétorique parlementaire semble parfois distante, les jeunes adultes du Congo-Brazzaville y lisent la promesse d’une plus grande visibilité de leurs initiatives. Qu’il s’agisse d’accéder aux marchés ivoiriens grâce à des accords de reconnaissance mutuelle ou de bénéficier de cadres communs pour les incubateurs, la normalisation des échanges législatifs offre un terrain de jeu plus vaste. Comme le confie Clémence Ngatsé, fondatrice d’une start-up agricole à Dolisie, « la stabilité des règles est notre premier capital ». Dans une sous-région où la mobilité professionnelle reste un défi, l’interopérabilité des normes pourrait devenir le nouvel accélérateur de carrière.
Brazzaville-Abidjan : horizon partagé de paix et de progrès
Au terme de son discours, Isidore Mvouba a esquissé un horizon où la diplomatie parlementaire se substitue, sans s’y opposer, aux canaux classiques de la politique étrangère. Discours apaisant, réaffirmation des liens historiques, projection sur la décennie à venir : les ingrédients étaient réunis pour convaincre même les observateurs les plus exigeants. Pour la Côte d’Ivoire comme pour le Congo, deux économies en pleine mutation résolues à conjuguer stabilité institutionnelle et audace réformatrice, l’heure n’est plus à questionner la pertinence d’une alliance mais à en mesurer la profondeur. Dans le sillage de cette visite, jeunes leaders, investisseurs et citoyens ordinaires sont invités à inscrire leur ambition dans un espace africain que ses représentants entendent façonner à la hauteur de leurs aspirations communes.