Bras de fer institutionnel autour des stades
Depuis mars, les portails du stade Alphonse-Massamba-Débat restent clos malgré un calendrier national chargé. La mesure, initialement présentée comme temporaire, s’est installée dans la durée et surprend supporters, ligues régionales et dirigeants de la Fédération congolaise de football.
La réunion ordinaire du Comité exécutif de la Fécofoot, tenue le 22 août, a officiellement qualifié cette fermeture d’« incompréhensible ». Les dirigeants rappellent pourtant l’accord de vingt ans signé en 2014 qui confie la gestion opérationnelle de trois stades majeurs à l’instance.
Face aux micros, le président Jean-Guy Blaise Mayolas insiste sur la nécessité de rouvrir rapidement les enceintes pour préserver « la dynamique sportive et économique » autour du ballon rond, tout en assurant demeurer ouvert au dialogue avec le ministère des Sports.
Les raisons avancées par le ministère
Interrogés lors d’une conférence conjointe sur les Jeux scolaires, des responsables du département évoquent des « travaux correctifs de sécurité » à achever avant toute réouverture. Ils soulignent la priorité accordée à l’intégrité physique des spectateurs et aux normes de la CAF.
Un technicien du service des infrastructures assure que les inspections de câblages électriques et des sorties de secours auraient révélé des anomalies mineures mais récurrentes. « Mieux vaut trois semaines de retard que cinq minutes de panique », glisse-t-il.
Le ministère rappelle également l’ordonnance de rétractation rendue par la Cour d’appel en juillet, estimant que son application pratique exige un protocole sanitaire et sécuritaire actualisé, incluant contrôle d’accès numérisé et couverture médicale renforcée lors des matchs à forte affluence.
Conséquences pour le calendrier national
L’édition 2025-2026 de la Ligue 1 TotalEnergies devait débuter mi-août. La fermeture impose un glissement de deux à trois semaines, obligeant les clubs à restructurer la préparation physique et à négocier de nouveaux créneaux de retransmission avec Télé Congo.
L’équipe féminine d’Étoile du Congo devait disputer son tour préliminaire continental au stade Massamba-Débat. Faute de terrain homologué, elle envisage désormais la relocation à Kinshasa, engendrant un surcoût logistique d’environ 45 000 dollars selon son trésorier.
Aujourd’hui, certaines formations s’entraînent sur le complexe de Kintélé, pourtant dédié prioritairement à l’athlétisme. Le staff médical du champion AS Otohô déplore la dureté de la piste périphérique sur la récupération musculaire, évoquant déjà deux blessures aux ischio-jambiers.
Réactions des supporters et de la jeunesse
Sur les réseaux, le mot-dièse #OuvrezNosStades cumule des milliers de vues. Fanny, 24 ans, explique que les matches étaient « l’unique occasion de voir mes amis d’enfance le week-end ». Elle craint une montée de l’ennui et des loisirs moins sains.
Des associations étudiantes rappellent que le football domestique offre des emplois temporaires à la billetterie, au catering et à la sécurité. L’interruption d’activité priverait, selon elles, près de 1 200 jeunes Brazzavillois de revenus complémentaires chaque mois.
Le sociologue Aimé-Arsène Makaya note pourtant que la frustration reste contenue. « Le public comprend la nécessité de normes sécuritaires. Les passions se déplacent vers le e-sport et la Premier League à la télévision », analyse-t-il, appelant néanmoins à une communication régulière.
Enjeux diplomatiques et internationaux
La Fécofoot insiste sur la participation pleine et entière aux éliminatoires de la Coupe du monde 2026. Ne pas disposer d’un stade homologué imposerait de recevoir hors du pays, ce qui amoindrirait l’avantage du terrain et réduirait les recettes billetterie.
Le ministère des Sports assure travailler en bonne intelligence avec la CAF. Un courrier adressé au Caire détaille le chronogramme des travaux d’ici octobre. Une mission d’experts est attendue à Brazzaville pour valider les nouveaux systèmes de tourniquets électroniques.
Les Lions Indomptables du Cameroun avaient déjà temporairement abrité leurs matches à Douala lors de la CAN 2019, rappelle un historien du sport, estimant qu’une relocalisation ne serait pas une première, mais « jamais souhaitable pour l’image du pays ».
Vers une sortie de crise concertée
Autour d’une table ronde tenue lundi, le Comité olympique, la Force publique et deux ONG spécialisées dans la sûreté événementielle ont esquissé une feuille de route. Elle prévoit des visites techniques hebdomadaires et un tableau de bord publié sur le site ministériel.
Selon nos informations, la Fécofoot pourrait accepter un calendrier progressif de réouverture, commençant par des matches à jauge réduite. En contrepartie, l’État garantirait un fonds d’appui pour indemniser les clubs affectés et accélérer l’installation des caméras de surveillance.
Le ministre Hugues-Ngouélondélé, joint par téléphone, se veut rassurant : « Nous voulons un football compétitif et sûr. Les portes s’ouvriront aussitôt que les ingénieurs auront levé les derniers doutes ». Les deux parties se retrouveront le 5 septembre.
En attendant le coup de sifflet final de cette controverse, joueurs, dirigeants et supporters croisent les doigts pour que la pelouse redevienne bientôt le terrain de toutes les discussions, loin des couloirs administratifs et des contraintes techniques.
Car au-delà du spectacle, l’ouverture des stades incarne pour la jeunesse congolaise un symbole d’appartenance et de projection collective. À chaque roulement de tambour dans les gradins, c’est une part d’identité nationale qui se célèbre et se renouvelle.
