L’Indianocéanie, nouveau laboratoire des innovations financières
Au croisement des flux commerciaux reliant l’Afrique australe, l’Asie et le golfe d’Aden, l’arc indianocéanien s’impose comme une zone test pour les services financiers de prochaine génération. Les banques y doivent composer avec des clientèles insulaires dispersées, des risques climatiques récurrents et un besoin d’inclusion accéléré par la poussée démographique. Dans ce contexte, une cohorte de dirigeants âgés de trente à quarante ans fait le pari d’une croissance ancrée dans la technologie, la gouvernance environnementale et les synergies régionales. Leur action, bien que focalisée sur Madagascar, Maurice ou les Comores, intéresse directement Brazzaville : l’économie congolaise scrute les succès insulaires pour adapter ses propres chantiers de modernisation bancaire.
Hugues Bonshe Makalebo ou la diplomatie bancaire en réseau
Aux manettes de Baobab Banque Madagascar, le Congolais Hugues Bonshe Makalebo incarne l’alliance entre expertise financière et influence institutionnelle. Son nom circule depuis la visite officielle du président français en avril 2024, où il a orchestré le dialogue entre le patronat malgache et le Medef International. Issu de la culture de la microfinance puis rompu aux exigences de la banque universelle, il milite pour une supervision transfrontalière plus fine, capable de fluidifier les investissements congolais vers l’océan Indien. « Nous ne raisonnons plus en termes d’axe Sud-Nord, mais d’axe Afrique-Afrique », explique-t-il, revendiquant une approche panafricaine des circuits de capitaux.
La passerelle Dr Gervais Atta: continentalité et sens du partenariat
Directeur régional pour Atlantic Group, Dr Gervais Atta met en musique la complémentarité entre marchés côtiers d’Afrique centrale et économies insulaires. Son bureau d’Antananarivo ressemble à un poste de commandement où convergent données sur la consommation énergétique comorienne, dossiers d’exportations agricoles gabonaises et projets de logistique portuaire brazzavilloise. Il rappelle volontiers que « l’union des chaînes de valeur africaines passe par la standardisation réglementaire », plaidant pour des règles prudentielles harmonisées afin d’abaisser le coût du crédit.
Ina Kadiatou Diallo et Abissa Vance, le duo bancassurance au service de l’inclusion
À la tête d’AFG Bank Madagascar, Ina Kadiatou Diallo a choisi de coupler comptes courants et micro-polices d’assurance dès le premier dépôt, un modèle qui parle aux micro-entrepreneurs de Pointe-Noire autant qu’à ceux de Toliara. Son alter ego, Abissa Vance, pilote AFG+ Assur et déploie des produits paramétriques contre les inondations, inspirés des initiatives ouest-africaines. Le tandem illustre la convergence entre protection des risques climatiques et bancarisation massive, thème récurrent sur le fleuve Congo où les crues périodiques mettent en péril les revenus agricoles.
Marieme Sav Sow, l’énergie comme levier d’autonomisation
Couronnée Femme CEO de l’année 2024, la Sénégalaise Marieme Sav Sow dirige TotalEnergies Marketing Madagasikara avec une obsession : transformer chaque station-service en hub de services communautaires. L’installation de panneaux solaires et de bornes de recharge propage l’idée d’une station résiliente, capable d’assurer la continuité économique après un cyclone. Une philosophie qui résonne à Oyo ou à Dolisie, où l’électrification décentralisée devient un préalable au commerce en ligne et au mobile-money.
Antoine Evrad Evouna Ossi, architecte d’une banque digitale pour PME
En un an, le Gabonais Antoine Evrad Evouna Ossi a repositionné BGFIBank Madagascar sur deux créneaux : les grandes entreprises stratégiques et les jeunes pousses technologiques. Son plan de transformation prévoit une plateforme de crédit instantané adossée à l’analyse en temps réel des flux commerciaux. Cette vision s’aligne sur les orientations du Plan national de développement du Congo, qui fait du soutien aux PME un moteur de diversification hors pétrole.
Guy Foka, catalyseur du numérique et de l’outsourcing régional
Ancien dirigeant d’Atos, Guy Foka pilote désormais Konecta Madagascar, mastodonte du BPO dans l’océan Indien. Son credo repose sur la professionnalisation des talents IT locaux et la certification qualité ISO, conditions préalables à l’obtention de mandats internationaux. À Brazzaville, les incubateurs observent attentivement ce modèle qui montre qu’un marché insulaire peut capturer des contrats européens de service client, pourvu que la bande passante et la cybersécurité soient au rendez-vous.
Une toile d’influence qui dépasse les frontières nationales
Autour de ces figures gravitent d’autres têtes d’affiche : Anne-Catherine Tchokonté chez Airtel, Hossen Sako dans l’énergie ou encore Josiane Yaguibou qui promeut le leadership féminin. Tous revendiquent la même grammaire : gouvernance ESG, interconnexion des paiements, soft power par la formation. Leur écosystème ressemble à ces courants marins qui relient Le Cap à Singapour : multipolaire, fluide et rythmé par les changements climatiques. Pour les jeunes diplômés congolais, la leçon est claire : la compétitivité se forge dans la mobilité régionale et la capacité à parler plusieurs langues réglementaires.
Enjeux et inspirations pour la jeunesse congolaise
Si la Grande Île demeure le terrain d’expérimentation privilégié, les retombées intellectuelles irriguent déjà Brazzaville. Les hackathons organisés par Baobab RDC intègrent des mentors malgaches, les filiales assurances congolaises s’intéressent aux produits paramétriques testés à Morondava, et la Commission bancaire d’Afrique centrale étudie la portabilité des scores ESG. Ces circulations d’idées confirment que l’avenir de la finance africaine se jouera autant sur les berges du Congo que sur les plages de Tamatave, à condition de cultiver l’esprit d’innovation et la solidarité continentale.