L’épreuve des sanctions, catalyseur d’une introspection fédérale
Suspendu des compétitions continentales depuis 2017 pour non-conformité administrative, le basket congolais a vécu une traversée du désert dont l’écho a résonné bien au-delà des parquets. Cette mise à l’écart prononcée par la FIBA Afrique a non seulement privé la sélection nationale d’exposition internationale, mais a également refroidi l’enthousiasme des sponsors potentiels et raréfié la pratique de haut niveau. « La sanction nous a obligés à regarder en face nos faiblesses structurelles », confie un cadre de la Direction générale des sports, présent le 28 juin dernier à Brazzaville.
C’est précisément dans ce contexte que le Conseil fédéral inaugural de la FECOKET a réuni dirigeants, techniciens et représentants de clubs. Attendu comme un tournant, ce conclave a vu le président Fabrice Makaya Matève dresser un diagnostic lucide, sans concession mais résolument optimiste. L’organe délibérant, issu des élections du 25 janvier 2025, s’est d’abord penché sur les manquements pointés par la FIBA : gouvernance, traçabilité financière, formation des arbitres et protection des athlètes. Le débat, vif mais courtois, a mis en lumière la volonté commune de transformer l’ostracisme en tremplin pour une refondation durable.
Un plan quadriennal aux ambitions structurantes
Le cœur du dispositif réside dans un plan quadriennal 2025-2028 articulé autour de vingt-six tâches et de six axes stratégiques. L’administration fédérale sera modernisée grâce à la numérisation des licences et à la mise en place d’un système d’information fiable. Le développement passera par la création de ligues régionales viables afin de désenclaver le talent et d’ancrer le basket dans les départements de la Cuvette, du Niari ou de la Sangha. Sur le volet formation, la FECOKET s’engage à certifier cent entraîneurs supplémentaires et à intégrer la dimension sport-études dans les lycées pilotes de Brazzaville et Pointe-Noire.
Côté compétitions, le calendrier national fera la part belle aux championnats 3×3, plus accessibles financièrement, et à la Coupe du Congo remaniée pour attirer le public urbain. Les relations extérieures, enfin, s’inscrivent dans une logique de diplomatie sportive assumée : participation aux conférences de la FIBA, jumelages techniques avec la Tunisie et le Rwanda, pays réputés pour la solidité de leur ligue élite. « Nous voulons cesser d’être simples spectateurs du développement africain », résume le vice-président chargé des relations internationales.
Budget 2025 : investir pour convertir le potentiel en performance
Pour alimenter l’ambition, un budget de 209 209 220 FCFA a été voté à l’unanimité. Près de 40 % de cette enveloppe seront consacrés à la formation d’entraîneurs, d’arbitres et de statisticiens, considérée comme le socle du renouveau. Les compétitions bénéficieront de 30 %, avec un accent sur la logistique et la couverture médiatique. Les 30 % restants iront au fonctionnement administratif et à la communication, vitrine indispensable pour séduire des partenaires privés. Des discussions avancées existent déjà avec une banque panafricaine et un opérateur de téléphonie mobile désireux d’associer son image à un sport jeune, urbain et créatif.
Le pari financier demeure audacieux dans un environnement économique contraint, mais les dirigeants misent sur le retour de la FIBA dans les arènes congolaises pour attirer les regards. À terme, la fédération vise une croissance annuelle de 15 % de ses recettes propres, notamment via le merchandising et la vente des droits de diffusion. La jeunesse congolaise, forte d’une culture numérique prononcée, constitue un marché de fans que les décideurs entendent convertir en moteur économique.
Diplomatie sportive : cap sur un dialogue constructif avec la FIBA
En mai dernier, une délégation congolaise a pris part au congrès de mi-mandat de la FIBA Monde à Singapour. Les émissaires y ont présenté un rapport d’étape détaillant les réformes engagées et les audits financiers réalisés par un cabinet indépendant. Selon des indiscrétions émanant du secrétariat de la FIBA Afrique, la sanction pourrait être réexaminée dès le premier trimestre 2026 si les engagements restent tenus. Fabrice Makaya Matève se veut prudent mais déterminé : « Nous avons franchi la phase du plaidoyer. Place désormais à la démonstration par les actes. »
Au-delà des instances internationales, la FECOKET ambitionne de renforcer la coopération sous-régionale. Des pourparlers ont été ouverts avec la République démocratique du Congo pour relancer le tournoi de l’Amitié du bassin du Congo, mis en sommeil depuis une décennie. Cette approche collaborative répond à la recommandation de la FIBA de multiplier les compétitions de proximité pour réduire les coûts et accroître le niveau de jeu.
La jeunesse, pivot de la renaissance du panier congolais
Les discussions du Conseil fédéral ont régulièrement rappelé que 62 % de la population congolaise a moins de 25 ans. Dans un pays où les terrains de quartier foisonnent, le potentiel de la discipline semble sous-exploité. La fédération entend lancer dès 2025 une caravane nationale baptisée « Un ballon, un rêve », destinée à distribuer dix mille ballons et à organiser des clinics de mini-basket. Les athlètes historiques, à l’instar de Boulomi Kobango, aujourd’hui entraîneur, ont promis d’y prêter leur aura afin d’incarner une réussite accessible.
Au terme de trois heures de débats sans éclats mais riches d’enseignements, la phrase du président Makaya Matève a ponctué la séance : « Je ne veux pas m’identifier comme l’homme du renouveau, mais je refuse d’apparaître comme un président dépourvu d’ambition. » Dans les travées du Palais des Congrès, les applaudissements qui ont suivi semblaient porter un message clair : la balle orange ne demande qu’à rebondir, et le public congolais se tient prêt à en saisir l’élan.
