Bornes de recharge MTN à Mossendjo
Au rond-point Chamoukoualé, deux colonnes jaunes signées MTN attirent les regards des conducteurs de taxi-motos et des vendeuses de beignets. Depuis la fin de la saison sèche, ces bornes de recharge, alimentées en continu par un groupe électrogène, offrent de l’énergie à une ville plongée dans l’obscurité.
Le dispositif peut accueillir jusqu’à quarante-cinq téléphones. Les utilisateurs, classés par ordre d’arrivée, branchent leur chargeur sur l’un des ports numérotés, prennent une photo du numéro, puis patientent, debout ou accoudés à leur moto, le temps d’obtenir la précieuse barre de batterie verte.
Une réponse à la panne d’électricité chronique
Mossendjo, qu’on surnommait autrefois la ville des palmiers, n’est plus reliée au réseau électrique national depuis plusieurs saisons. L’ancien générateur de la Société nationale d’électricité est à l’arrêt, laissant les lampadaires orphelins et les ménages tributaires de petits groupes ou de lampes solaires.
Dans ce contexte, la borne MTN répond à une urgence quotidienne : pouvoir téléphoner, envoyer un transfert Mobile Money ou consulter un message WhatsApp sans parcourir quarante kilomètres vers Dolisie. Les jeunes, très connectés, citent spontanément les cours en ligne et les annonces d’emploi comme premières motivations.
La municipalité voit dans l’initiative un relais utile aux programmes publics d’électrification rurale, actuellement en phase d’étude de faisabilité pour la zone sud-ouest. Un cadre de la préfecture rappelle que le gouvernement explore des mini-réseaux hybrides afin de sécuriser durablement l’alimentation des villes secondaires.
Sécurité et convivialité autour des bornes
Autre atout mis en avant par les utilisateurs : la sécurité. Chaque port est enfermé dans un boîtier métallique transparent dont la clé reste sous la surveillance permanente d’un agent mandaté par l’opérateur. « Mon téléphone reste visible, mais personne ne peut le toucher », sourit Grâce, étudiante en comptabilité.
Cette atmosphère rassurante transforme le rond-point en forum à ciel ouvert. On y discute du prochain match des Diables rouges, des derniers titres de Tenor ou de la flambée du cacao. Des marchands improvisés proposent des cacahuètes et du jus de bissap, créant une micro-économie autour des bornes.
Un levier économique pour les petits commerces
Pour MTN, l’opération s’inscrit dans une stratégie nationale d’ancrage communautaire. Selon la direction régionale, la compagnie a déployé huit bornes similaires dans les départements du Niari, de la Sangha et de la Cuvette afin de garantir la continuité du service voix et data hors des grands centres.
Le coût d’exploitation, porté par un groupe électrogène fonctionnant au gasoil, avoisinerait 250 000 francs CFA par mois. L’entreprise affirme compenser ces charges par l’accroissement des recharges mobiles et des transactions financières réalisées in situ, tout en renforçant son image de proximité auprès d’une clientèle jeune.
Des habitants suggèrent d’accompagner l’équipement d’un abri doté de bancs et d’un panneau didactique sur l’entretien des batteries. La direction commerciale répond étudier cette proposition, en concertation avec la mairie, pour faire de la borne un kiosque multimédia dès la prochaine saison des pluies.
Vers un retour durable de l’électricité publique
Au niveau national, le ministère de l’Énergie réaffirme viser un taux d’électrification de 75 % d’ici 2030 grâce à des partenariats public-privé. Les appels d’offres pour des centrales hybrides solaire-diesel dans le Niari doivent être publiés cette année, selon un communiqué daté de février, et salué par ONG d’accès énergétique.
Les ingénieurs locaux voient déjà dans les bornes MTN un laboratoire grandeur nature pour estimer le besoin quotidien moyen : environ 1,8 kilowatt-heure par utilisateur, selon les registres tenus par l’agent de surveillance. Ces chiffres serviront à dimensionner les futurs micro-réseaux villageois.
Les experts en téléphonie rappellent que le renouvellement fréquent des batteries, lorsqu’elles sont chargées à forte chaleur, peut devenir un enjeu environnemental. MTN dit étudier le remplacement progressif du groupe diesel par des panneaux solaires et envisage un programme de récupération des accumulateurs usagés.
En attendant, la vie nocturne s’adapte. Les restaurants branchent discrètement une rallonge sur la borne, de 18 h à 21 h, pour alimenter une ampoule basse consommation. La police municipale tolère l’initiative, jugeant qu’une rue éclairée limite les risques d’accidents et rassure les riverains.
Pour Patrice, enseignant de sciences physiques, l’histoire retient surtout l’ingéniosité d’une ville qui refuse l’isolement numérique. « A chaque fois que mon téléphone sonne, je me rappelle que c’est l’énergie d’une borne commune », explique-t-il, persuadé que ces petites solutions préfigurent la prochaine étape de la transition énergétique.
Aussi modeste soit-il, le totem jaune réaffirme l’importance de la télécommunication dans l’économie locale, qu’il s’agisse de commander des semences, vendre du gravier du lac Bleu ou recevoir un virement familial depuis Pointe-Noire. L’écran lumineux d’un smartphone est devenu la première lueur de la nuit.
Lorsque la lumière publique reviendra, Mossendjo pourra dire qu’elle a traversé le noir grâce à un générateur, deux bornes et beaucoup de partage. D’ici là, la file continue de s’allonger chaque matin, symbole discret d’une résilience que le reste du pays observe avec sympathie.
