Le visage d’une nouvelle gouvernance sectorielle
Nupcia Eba Ngolé incarne cette génération de cadres congolais formés à l’étranger qui choisissent de revenir investir leurs compétences au pays. Sa nomination récente à la présidence de la Fédération du tourisme du Congo constitue le point d’orgue d’un parcours dont la constante est le dialogue entre communication stratégique et développement durable. Lors de la Rencontre des entrepreneurs francophones, organisée sous le haut patronage du chef de l’État Denis Sassou Nguesso, elle a présenté les lignes directrices d’une politique jugée à la fois ambitieuse et pragmatique par plusieurs observateurs.
Portée par une expérience acquise en France dans le conseil aux entreprises, la dirigeante s’affirme comme une médiatrice capable de faire converger les attentes des pouvoirs publics, des investisseurs et des communautés locales. Son credo repose sur une gouvernance participative, articulée autour d’indicateurs socio-économiques clairs : création d’emplois qualifiés, diversification des recettes d’exportation et amélioration de l’image du pays auprès des jeunes voyageurs africains.
Un écosystème en quête de maturité
Le potentiel touristique du Congo-Brazzaville est unanimement salué : forêts équatoriales classées patrimoine mondial, fleuve majestueux, diversité culturelle remarquable. Pourtant, selon les données du ministère du Tourisme, le secteur ne représente encore qu’une part marginale du produit intérieur brut. Les raisons sont bien connues : déficit d’infrastructures, faible connectivité aérienne sous-régionale et méconnaissance des standards internationaux par certains opérateurs.
Nupcia Eba Ngolé estime que ce « retard apparent » peut devenir un avantage concurrentiel, à condition de bâtir une offre haut de gamme fondée sur l’authenticité et la préservation des écosystèmes. « Nous disposons d’un capital naturel intact que de nombreux marchés matures ne peuvent plus offrir », confiait-elle en marge d’un atelier consacré au tourisme durable. Dans cette perspective, elle milite pour un maillage territorial concerté, capable de relier sites écotouristiques et centres urbains par des corridors logistiques fiables.
Le pari d’une fédération inclusive
La création de la Fédération du tourisme du Congo répond à la nécessité de structurer un secteur jusque-là atomisé. L’organisation se veut une plate-forme d’échanges où agences de voyages, hôteliers, artisans, bailleurs et pouvoirs publics co-construisent des standards partagés. Adossée à UniCongo, la principale organisation patronale, elle bénéficie d’un réseau intersectoriel précieux pour accéder au financement et à la formation.
Parmi les premières actions annoncées figure la mise en place d’un observatoire statistique destiné à mesurer en temps réel l’impact des initiatives. Ce pilotage par la donnée doit permettre d’allouer les ressources vers les chaînes de valeur les plus prometteuses – hébergement écologique, circuits fluviaux, gastronomie identitaire. Les jeunes entrepreneurs y voient l’opportunité de s’inscrire dans un cadre lisible, condition sine qua non pour attirer des capitaux étrangers sensibles à la transparence.
Entre héritage national et ambitions régionales
La dirigeante rappelle volontiers que le tourisme fut, dès les années 1970, identifié comme vecteur de rayonnement pour la République du Congo. La redécouverte d’archives photographiques témoignant des premiers safaris fluviaux sert aujourd’hui d’argument afin de convaincre les bailleurs africains de la Banque de développement des États d’Afrique centrale de soutenir un plan de relance sectoriel. La modernisation des aéroports régionaux et la réhabilitation de certains axes routiers constituent le socle logistique de cette projection.
Positionner Brazzaville comme hub de week-end pour la clientèle d’Afrique centrale figure parmi les priorités. L’appui du secteur aérien congolais, engagé dans une politique de revitalisation de sa flotte, pourrait, selon elle, réduire le coût moyen du billet régional et accroître la fréquence des dessertes intérieures. Ce couplage infrastructure-marketing répond à l’objectif déclaré : atteindre en cinq ans le seuil symbolique d’un million de visiteurs.
Jeunesse et innovation comme catalyseurs
Pour séduire la génération connectée de 20 à 35 ans, la Fédération mise sur la tech touristique. Des start-up locales développent déjà des applications de réservation multilingues et des solutions de paiement mobile facilitant l’expérience voyageur. Nupcia Eba Ngolé défend une politique d’incubation articulée à l’université Marien-Ngouabi, convaincue que le savoir académique peut trouver des débouchés rapides dans l’entrepreneuriat numérique.
Dans son discours à la REF, elle a insisté sur la nécessité d’intégrer les communautés riveraines aux projets innovants, notamment via des programmes de formation aux métiers de guide naturaliste ou d’e-marketing artisanal. « Un secteur inclusif est le meilleur rempart contre la fuite des talents », martèle-t-elle, rappelant que l’économie d’expérience vaut autant par l’accueil que par l’image digitale.
Perspectives durables pour l’économie congolaise
Les projections macroéconomiques évoquent une contribution potentielle du tourisme à hauteur de 7 % du PIB d’ici 2030, si les investissements se concrétisent. Cette croissance qualitative doit, selon la Fédération, s’adosser à des critères de durabilité s’alignant sur les objectifs climatiques nationaux. Certification environnementale des structures d’hébergement, charte d’achats responsables, compensations carbone pour les transports intérieurs : autant de chantiers que la présidente place au cœur de son mandat.
En filigrane, se dessine une vision où le tourisme devient laboratoire de la diversification économique voulue par les autorités publiques. Les jeunes adultes congolais, porteurs d’innovations et d’attentes écologiques accrues, sont appelés à jouer un rôle moteur. À la croisée de l’identité culturelle et de la compétitivité régionale, l’initiative conduite par Nupcia Eba Ngolé esquisse une trajectoire qui, sans renier l’héritage, projette le Congo dans le concert des destinations durables du continent.
