Brazzaville aux portes du tourisme durable
Au cœur d’une Afrique centrale dont les forêts stockent près de 10 % du carbone mondial, Brazzaville affiche désormais une ambition claire : conjuguer développement économique et préservation écologique afin d’asseoir sa réputation naissante de capitale du tourisme responsable. L’annonce conjointe de Wild Safari Tours et du ministère de l’Environnement, du Développement durable et du Bassin du Congo, dans la perspective de la Nabemba Tourism Expo prévue pour novembre 2025, apparaît comme la pierre angulaire d’une stratégie nationale où l’attractivité se mesure autant en devises qu’en empreinte carbone réduite.
La Nabemba Tourism Expo, catalyseur vert
Prévue dans l’enceinte ultramoderne du Brazza Mall, la première édition de la Nabemba Tourism Expo (NTE) se présente comme un laboratoire grandeur nature pour tester les nouveaux standards d’un tourisme bas-empreinte. Les organisateurs insistent sur la modularité des infrastructures, l’accessibilité aux énergies renouvelables in situ et la capacité d’accueil supérieure à dix mille visiteurs, un seuil qui permet de viser d’emblée la certification internationale ISO 20121 pour la gestion d’événements durables. « Nous ne voulons pas d’un salon de plus, mais d’une vitrine où chaque fournisseur, chaque conférencier et chaque touriste expérimentera la durabilité comme une évidence », souligne Martial Mankessi, directeur de Wild Safari Tours.
Entre bassin du Congo et responsabilité climatique
La richesse biologique du bassin du Congo, deuxième poumon vert de la planète, confère au pays un avantage comparatif indéniable. Les forêts primaires de l’Odzala-Kokoua ou les mangroves du Kouilou attirent déjà des naturalistes exigeants. Cependant, l’enjeu n’est plus seulement de protéger des écosystèmes, mais de les inscrire dans des circuits économiques rationnels où le tourisme devient, selon les mots du ministre Arlette Soudan-Nonault, « une monnaie d’échange vertueuse ». L’agenda climatique figurera d’ailleurs au centre des panels scientifiques de la NTE, articulant les engagements de l’Accord de Paris avec les réalités locales, des communautés pygmées jusqu’aux entrepreneurs urbains.
Jeunesse congolaise, startups et innovation touristique
L’autre pilier du dispositif repose sur la créativité d’une jeunesse connectée. Sous l’impulsion du Fonds bleu pour le bassin du Congo, plusieurs hackathons ont déjà vu naître des applications de réservation d’écogîtes, des cartes interactives des aires protégées ou encore des parcours immersifs en réalité augmentée retraçant l’histoire fluviale du pays. Ces prototypes seront dévoilés lors d’un pavillon dédié aux startups, soutenu par l’incubateur national Mbochis Hub. Pour Richard Bambi, codirecteur du programme, l’objectif est double : « offrir des emplois qualifiés et garantir aux visiteurs une expérience numérique fluide, compatible avec leurs attentes en matière de transparence environnementale ». Le pari semble d’autant plus pertinent que 70 % de la population congolaise a moins de trente ans, constituant une main-d’œuvre naturellement réceptive aux métiers verts.
Partenariats publics-privés : un levier d’attractivité
Loin d’être une initiative isolée, la Nabemba Tourism Expo s’inscrit dans un cadre réglementaire récemment renforcé. La loi sur les partenariats publics-privés, amendée en 2023, offre un cadre fiscal incitatif aux investisseurs engagés dans la transition écologique. Les compagnies aériennes desservant Maya-Maya bénéficient désormais d’une réduction de 30 % des redevances si elles compensent intégralement leurs émissions de CO₂. Parallèlement, la Banque de développement des États d’Afrique centrale a annoncé une ligne de crédit verte de 50 millions de dollars destinée à la modernisation des écolodges en zones forestières. Autant de signaux jugés « rassurants » par les analystes régionaux, car ils garantissent la pérennité financière d’une offre touristique encore embryonnaire mais à forte valeur ajoutée.
Défis logistiques et formation, un chantier prioritaire
Le chemin reste toutefois jalonné de défis structurels, à commencer par l’état des dessertes routières menant aux parcs nationaux. Le ministère des Travaux publics a lancé un programme de réhabilitation d’une centaine de kilomètres de pistes latéritiques, priorité donnée aux tronçons Dolisie-Mayombe et Pokola-Odzala. Sur le front de la formation, l’Institut supérieur de tourisme de Kintélé, ouvert en 2022, déploie un cursus dédié à la gestion d’espaces protégés, adossé à des stages pratiques financés par l’Agence française de développement. « La compétence locale est la clé de voûte », insiste la rectrice Élodie Mbemba, rappelant que 60 % des guides certifiés dans la sous-région proviennent encore de pays voisins, faute de main-d’œuvre spécialisée disponible au Congo.
Vers une marque Congo-vert, horizon 2030
À moyen terme, les autorités envisagent de fédérer l’ensemble des initiatives sous un label “Congo-vert” destiné à rassurer les marchés émetteurs européens et nord-américains. La création d’un observatoire national du tourisme durable, en cours de finalisation, permettra de publier chaque année un indice mesurant l’impact environnemental réel des flux touristiques. Les premiers résultats sont attendus pour 2026, juste après la tenue de la Nabemba Tourism Expo, qui servira de test grandeur nature à cette future marque pays. Entre diplomatie climatique, innovation entrepreneuriale et volontarisme politique, le Congo espère ainsi s’imposer, à l’horizon 2030, comme une escale incontournable pour le voyageur low-carbone en quête d’expériences authentiques et respectueuses des écosystèmes.