La criminalité faunique, un défi national
Au Congo-Brazzaville, la protection des espèces sauvages ne relève plus du symbole, elle s’inscrit dans une politique publique assumée. Le gouvernement, soutenu par de nombreux partenaires, a placé 2025 sous le signe d’une lutte renforcée contre le commerce illégal d’animaux.
Cet engagement découle d’un constat livré par le ministère de l’Économie forestière : certaines espèces, jadis communes, connaissent un déclin alarmant dans les forêts du Niari, de la Cuvette ou de la Likouala. Sans réaction ferme, la disparition de ces joyaux serait irréversible.
Des arrestations qui marquent 2025
Entre janvier et juillet, quatre opérations simultanées à Dolisie, Owando et Impfondo ont conduit à l’arrestation de neuf présumés trafiquants. Ils transportaient, selon les procès-verbaux, des peaux de panthère, des écailles de pangolin géant et des défenses d’éléphant soigneusement dissimulées.
Sur les neuf interpellés, huit dorment désormais en prison, dont cinq sous condamnation ferme. Ce ratio, soulignent des magistrats du tribunal de grande instance d’Owando, atteste du sérieux d’une justice longtemps jugée trop clémente face aux réseaux criminels spécialisés.
Un dispositif opérationnel multiservices
Les gendarmes patrouillent la nuit, jumelles thermiques en main, tandis que les agents des eaux et forêts contrôlent les axes fluviaux au lever du jour. Tous appliquent la loi n° 37-2008, véritable colonne vertébrale de la stratégie nationale contre le braconnage.
Le PALF, structure soutenue par l’ONG américaine Wildlife Conservation Society, fournit des formations à la collecte de preuves numériques et finance l’entretien des chenils pour chiens renifleurs. Son coordinateur, Alain Koumba, insiste : « Chaque arrestation crédibilise l’État et rassure les communautés riveraines ».
Une justice plus réactive
Depuis deux ans, les parquets reçoivent des guides juridiques élaborés par le ministère et des ONG. Ils détaillent les peines encourues : jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et dix millions de francs CFA d’amende pour la détention d’un seul trophée protégé.
Me Sandrine Oba, avocate au barreau de Brazzaville, rappelle que la célérité des jugements renforce l’effet dissuasif. « Les audiences ne traînent plus des mois ; le temps judiciaire s’aligne enfin sur l’urgence écologique », analyse-t-elle, saluant l’implication des juges et greffiers.
Des jeunes sensibles à la cause
Les réseaux sociaux, très fréquentés par les 20-35 ans, relaient chaque saisie spectaculaire. Sur X et TikTok, les hashtags #SauverLePangolin ou #ZéroIvoire accumulent des milliers de vues, preuve qu’une nouvelle génération veut joindre sa voix aux efforts institutionnels.
À Brazzaville, le collectif d’étudiants « Faune libre » organise des projections de documentaires suivies de débats. Selon sa présidente, Christelle Mvoula, « l’information scientifique, lorsqu’elle est vulgarisée, suscite un sentiment d’appartenance et motive les jeunes à signaler les trafiquants ».
Le rôle pivot des médias congolais
Radio Mucodec, La Nouvelle République et plusieurs webzines de proximité intègrent désormais une rubrique hebdomadaire dédiée aux espèces protégées. Les reportages sur le terrain expliquent le déroulé d’une enquête, démystifient la justice et rappellent les sanctions, créant ainsi un environnement social moins permissif.
Pour le journaliste Arnaud Diaw, « plus la population connaît la valeur économique d’un éléphant vivant, plus elle se détourne du trafic ». Il cite une étude de l’Université Marien-Ngouabi montrant que l’écotourisme génère trente emplois pour chaque million de francs investis.
Perspectives et défis 2026
Le ministère prépare un plan de modernisation des postes de contrôle routier avec caméras embarquées et bases de données partagées. Une phase pilote sera lancée sur la Route nationale 2, couloir réputé pour la sortie clandestine d’ivoire vers les ports voisins.
Parallèlement, l’École nationale d’administration forestière mettra en place un module obligatoire sur les infractions à la biodiversité. Les futures recrues apprendront à rédiger des procès-verbaux conformes aux standards internationaux, un préalable à la coopération judiciaire avec les pays frontaliers.
Une vigilance qui reste de mise
Malgré ces avancées, les trafiquants innovent, recourant aux cryptomonnaies pour régler leurs transactions et aux mototracteurs pour traverser les pistes inondées. Les autorités admettent la nécessité d’un renseignement financier plus pointu, afin de couper les flux d’argent à la source.
Le colonel Jean-Paul Nkaya de la gendarmerie note toutefois une baisse de 18 % des infractions enregistrées par rapport à 2024. « Le message passe, mais nous devons rester constants », explique-t-il, promettant de renforcer la coopération avec Interpol et la CEEAC.
Entre espoir et responsabilité citoyenne
Le Congo démontre qu’une approche concertée, mêlant répression rapide, sensibilisation et participation des jeunes, peut inverser la courbe du braconnage. Si chacun signale un acte suspect, si chaque juge applique la loi, la panthère et le pangolin pourront encore peupler nos forêts.
Technologies au service de la biodiversité
Des capteurs acoustiques, installés récemment dans la réserve de Conkouati-Douli, détectent les tirs de fusil en temps réel. Le signal est envoyé au centre opérationnel de Pointe-Noire, permettant aux éco-gardes d’intervenir en moins de trente minutes, même la nuit.
Par ailleurs, une base de données ADN des grandes espèces est en cours de constitution avec le soutien de l’Université de Stirling. Elle facilitera la traçabilité des trophées saisis et pourra être utilisée comme preuve scientifique devant les tribunaux congolais.
Vers une culture de tolérance zéro
S’approprier la notion de tolérance zéro devient donc la prochaine étape pour chaque citoyen responsable.