Un semestre sous haute vigilance
De janvier à juillet 2025, la lutte congolaise contre la criminalité faunique a franchi un cap décisif. Neuf présumés trafiquants d’ivoires, d’écailles et de peaux rares ont été stoppés net durant quatre opérations coordonnées, menées de Dolisie à Impfondo, en passant par Owando.
Ce bilan semestriel, rendu public par le ministère de l’Économie forestière, reflète une volonté gouvernementale claire : rendre le territoire hostile aux réseaux organisés qui ciblent les espèces intégralement protégées, pilier de la biodiversité nationale et véritable atout économique, culturel et touristique pour les communautés.
Le rôle stratégique du PALF
En coulisses, le Projet d’Appui à l’Application de la Loi sur la Faune sauvage, connu sous l’acronyme PALF, agit comme catalyseur. Ses enquêteurs partagent renseignements, techniques de filature et formations spécialisées avec la gendarmerie, tout en documentant méticuleusement chaque pièce à conviction.
« La protection de notre faune est une question de souveraineté », insiste le colonel Jean-Baptiste Hombessa, commandant la section de recherche, lors d’un point presse à Brazzaville. Selon lui, l’appui logistique du PALF optimise le temps de réaction et réduit les risques pour les unités mobilisées.
Des arrestations chirurgicales
Les opérations, planifiées plusieurs semaines à l’avance, s’appuient sur un suivi GPS des routes forestières et sur des infiltrations discrètes dans les marchés informels. À Dolisie, les agents ont saisi deux ivoires entiers dissimulés dans un lot de manioc destiné à l’export.
À Owando, un suspect a été interpellé au volant d’un véhicule utilitaire contenant quarante-sept kilos d’écailles de pangolin géant, espèce menacée au niveau mondial. Les autorités évoquent une valeur marchande supérieure à dix-huit millions de francs CFA sur le marché asiatique clandestin.
Le coup de filet le plus délicat s’est déroulé à Impfondo, où une tentative de vente de peaux de panthère impliquait un réseau transfrontalier. Grâce à l’appui aérien de l’armée de l’Air pour sécuriser la zone, l’intervention a été menée sans échange de tirs.
Justice et peines exemplaires
Au palais de justice de Brazzaville, cinq prévenus ont déjà écopé de peines allant jusqu’à trois ans de prison ferme, conformément à la loi n°37-2008. Le parquet souligne que les jugements ont été rendus en audience publique afin de renforcer l’effet dissuasif.
Maître Rosa Ntsiba, avocate spécialisée en droit de l’environnement, salue la célérité des procédures : « Chaque jour gagné empêche des complices de se volatiliser ». Elle rappelle toutefois que des peines financières plus lourdes pourraient priver durablement les trafiquants des gains tirés de leurs réseaux.
Sensibiliser pour prévenir
Les médias nationaux ont relayé chaque audience, créant un écho considérable sur les réseaux sociaux. Les spots radio en langues locales soulignent le risque pénal encouru et valorisent la richesse faunique comme patrimoine commun, inspirant un sentiment d’appartenance auprès des jeunes urbains.
Dans les écoles de la Likouala, des animateurs pédagogiques du PALF distribuent désormais des bandes dessinées illustrant l’impact du braconnage sur les éléphants. « L’éducation reste notre bouclier le plus fiable », confie Léonie Mabiala, responsable de programme, après une séance interactive à Betou.
A Brazzaville, le collectif d’artistes Street Green a peint une fresque de trente mètres représentant un pangolin géant protégé par des mains humaines. La mairie soutient ce projet citoyen, estimant que l’art urbain traduit « la volonté de la jeunesse de préserver l’héritage naturel ».
Perspectives pour 2025
Le ministère de l’Économie forestière planche sur un système de marquage électronique des trophées légaux, destiné aux musées et collectionneurs, afin de tracer chaque pièce. L’objectif est de fermer la porte aux faussaires et de rassurer les partenaires internationaux sur la rigueur congolaise.
Parallèlement, un projet de coopération avec la République démocratique du Congo prévoit des patrouilles fluviales conjointes sur l’Oubangui. Pour la chercheuse Marthe Sita, de l’Université Marien-Ngouabi, « renforcer la surveillance aux frontières est crucial pour contenir les routes d’exportation vers l’Atlantique ».
Une plateforme numérique unique, en cours de test, permettra bientôt aux citoyens de signaler anonymement des faits de braconnage via smartphone. Ce dispositif, inspiré d’initiatives similaires au Rwanda, devrait accroître la réactivité des forces de l’ordre, selon le secrétariat général à la Sécurité.
« La préservation de la faune n’est pas qu’une affaire d’écologie, c’est un levier de développement », résume le journaliste économique Félix Mouyabi. Pour lui, un tourisme durable, adossé à des aires protégées sûres, pourrait générer des milliers d’emplois directs d’ici 2030.
Au terme de ce premier semestre, autorités, ONG et populations convergent vers un même constat : chaque arrestation envoie un signal fort aux filières criminelles. La dynamique engagée en 2025 montre que la défense du patrimoine naturel s’inscrit désormais au cœur du projet national.
La route reste longue, concèdent les spécialistes, mais la mobilisation croissante des jeunes, soutenue par les innovations technologiques et l’engagement institutionnel, esquisse un avenir où éléphants, pangolins et panthères ne seront plus synonymes de convoitise mais de fierté collective.
