Un horizon de mobilité modernisé
Aux heures où la circulation sature les grands axes, l’image d’un tramway silencieux filant le long du Congo est devenue un symbole d’espérance pour de nombreux citadins. L’engagement pris par les autorités, en 2016, de doter Brazzaville et Pointe-Noire d’un système de transport guidé s’inscrit dans la stratégie nationale de diversification de l’économie et d’amélioration du cadre de vie urbain. Pour la jeunesse, majoritaire dans la pyramide démographique, un réseau fiable signifierait davantage qu’un simple gain de temps : il porterait la promesse d’opportunités professionnelles, universitaires et culturelles accrues.
La genèse d’une ambition ferroviaire
C’est à Paris, en marge d’une conférence sur les partenariats public-privé, que le ministre de l’Aménagement du territoire et des Grands travaux, Jean-Jacques Bouya, avait révélé la feuille de route ferroviaire du Congo. À l’époque, la tonalité était volontariste : des lignes pilotes devaient être lancées sur les corridors les plus fréquentés, notamment Talangaï-Poto-Poto pour Brazzaville et Tié-Tié-Centre-Ville pour Pointe-Noire. L’intention rejoignait l’engagement contenu dans le Plan national de développement, lequel fait de la mobilité un levier de croissance inclusive.
Entre conjoncture pétrolière et impératifs budgétaires
La volatilité des cours du brut a néanmoins rebattu les cartes. La baisse des recettes tirées de l’or noir, qui représente encore plus de la moitié des revenus d’exportation, a imposé des arbitrages. « Le projet n’a jamais été remis en cause, il a seulement dû s’adapter à un calendrier financier plus réaliste », confie un conseiller technique. L’État congolais a privilégié le maintien de la stabilité macro-budgétaire tout en évitant de compromettre ses engagements sociaux, conformément aux recommandations des institutions régionales.
Partenariat technologique et transferts de compétences
La négociation conduite avec l’entreprise française Alstom illustre une approche de partenariat gagnant-gagnant : fournir au Congo une technologie éprouvée tout en encourageant la création d’emplois locaux. Il est prévu que des ateliers de maintenance soient implantés à proximité des gares de dépôt, formant ainsi des techniciens congolais aux standards internationaux. À terme, la part des intrants produits sur le territoire national pourrait dépasser 30 %, selon une projection interne.
Impact socio-économique attendu
Le déploiement d’un tramway dans des agglomérations de plus de trois millions et demi d’habitants cumulés ouvrirait un marché potentiel de cent mille voyages quotidiens. L’impact direct se mesurera sur la réduction des temps de trajet, aujourd’hui estimés à près d’une heure pour franchir dix kilomètres aux heures de pointe. Les économistes anticipent un gain de productivité urbain proche de 1,2 % du PIB local. En parallèle, la diminution des émissions de particules soutiendrait les objectifs climatiques du pays, inscrit dans sa Contribution déterminée au niveau national.
Regards d’usagers et d’experts
Dans les marchés de Ouenzé ou le long du boulevard Lumumba, les conversations reflètent un mélange d’impatience et de confiance. « Nous voyons déjà les études topographiques, c’est la preuve que le projet avance », témoigne Mireille, étudiante en management. Les urbanistes saluent pour leur part le choix du transport guidé, plus inclusif que le tout-automobile. Selon le professeur Nlandu, spécialiste des infrastructures à l’université Marien-Ngouabi, « le tramway, en favorisant la densification, permet de maîtriser l’étalement urbain et de valoriser le foncier existant ».
Un calendrier désormais réaliste
Si les négociations financières aboutissent durant le second semestre, la phase de génie civil pourrait débuter dès l’année prochaine. Les équipes locales de la Société des grands travaux finalisent l’étude d’impact environnemental et social, préalable à tout décaissement. Les autorités rappellent que chaque étape, de la pose des rails à la certification des rames, obéit à des exigences internationales. « Nous voulons un ouvrage durable, sécurisé et adapté aux conditions climatiques équatoriales », indique un ingénieur du projet. Les premiers essais dynamiques sont envisagés sur la boucle pilote de 6,4 kilomètres reliant le centre-ville de Brazzaville à l’aéroport Maya-Maya. Cette phase inaugurale devrait constituer le signal tangible d’un virage vers une mobilité plus fluide et plus verte, au service des aspirations d’une population jeune et en pleine expansion.