Une visite ministérielle à la symbolique soigneusement calibrée
L’escale tanzanienne de Jean-Claude Gakosso, le 8 juillet, s’inscrit dans une temporalité où la diplomatie congolaise multiplie les concertations en amont de la 43ᵉ Conférence générale de l’Unesco, prévue en novembre 2025. En choisissant Dar Es Salaam pour transmettre à Samia Suluhu Hassan un message du président Denis Sassou Nguesso, Brazzaville rappelle l’importance accordée aux relais est-africains dans la conquête des voix nécessaires à l’élection d’un directeur général. L’entrevue, qualifiée par les deux parties de « cordiale et substantielle », a permis de placer la candidature de Firmin Edouard Matoko au sommet de l’agenda, tout en abordant un éventail de dossiers bilatéraux allant du transport aérien au commerce de produits agroalimentaires. La tonalité conviviale de la rencontre contraste avec la précision stratégique du moment choisi : dans le calendrier de l’Unesco, les États commencent à formaliser leurs soutiens dix-huit mois avant le scrutin, période charnière où les capitales régionales font valoir leurs intérêts croisés.
Firmin Edouard Matoko, un parcours façonné dans la coopération panafricaine
La candidature de Firmin Edouard Matoko n’est pas le fruit d’une improvisation de couloir. Ancien secrétaire général adjoint de l’Organisation internationale de la francophonie, puis sous-directeur chargé de la priorité Afrique à l’Unesco, le diplomate congolais a bâti sa réputation sur la gestion de projets éducatifs et patrimoniaux visant à insérer l’innovation locale dans la gouvernance globale. Son profil répond aux exigences contemporaines de l’Unesco : connaissance fine des équilibres régionaux, aptitude à dialoguer avec les partenaires techniques et financiers, et sensibilité aux attentes d’une jeunesse africaine avide de reconnaissance culturelle. En mettant en avant ce parcours, Jean-Claude Gakosso a souligné devant la présidente tanzanienne que « l’Afrique peut, par la voix de Matoko, consolider les avancées de la priorité Afrique » tout en offrant une approche inclusive entre francophonie et anglophonie.
Le jeu des équilibres géopolitiques et la carte de l’unité africaine
À la différence des scrutins onusiens à enjeux sécuritaires, la direction générale de l’Unesco suscite des alliances plus ouvertes, mais non dépourvues de calculs. Le Congo, conscient de son poids démographique modeste, déploie une stratégie de coalition qui conjugue l’appui traditionnel des États d’Afrique centrale et l’engagement des puissances d’Afrique de l’Est. L’obtention du soutien de la Tanzanie, pays charnière entre l’océan Indien et la région des Grands Lacs, envoie un signal d’unité à même de convaincre les pays insulaires et les membres du Commonwealth. Pour Brazzaville, l’enjeu consiste à faire de la candidature Matoko un projet continental, sans heurter les ambitions légitimes d’autres capitales. Le discours officiel insiste donc sur la contribution du candidat congolais à « l’agenda 2063 » de l’Union africaine, afin de dépasser les clivages linguistiques et économiques.
La Tanzanie, pivot d’une diplomatie économique proactive
Au-delà de l’Unesco, la visite à Dar Es Salaam a ravivé l’intérêt des deux États pour un corridor commercial Brazzaville-Dodoma. Jean-Claude Gakosso a rappelé que « la Tanzanie, l’une des plus grandes destinations touristiques et culturelles d’Afrique, est un pays avec lequel nous avons tout à gagner ». L’idée d’étendre la desserte de la compagnie Air Tanzania à Brazzaville illustre une volonté conjointe de fluidifier les échanges, condition sine qua non d’une intégration Sud-Sud profitable. Sur le plan énergétique, des discussions exploratoires portent sur la logistique pétrolière, la transformation du gaz naturel et les services portuaires, autant de secteurs susceptibles de générer des emplois pour les jeunes diplômés congolais. Cette dimension économique renforce la crédibilité politique du duo Sassou Nguesso–Suluhu Hassan, qui cherche à répondre aux impératifs de croissance inclusive réclamés par leurs opinions publiques respectives.
Santé publique et capital confiance : le levier Yakub Janabi
Le message présidentiel de Brazzaville comportait également une composante sanitaire, saluant la nomination du Professeur Mohamed Yakub Janabi comme directeur régional de l’OMS pour l’Afrique. En félicitant un ressortissant tanzanien appelé à siéger… à Brazzaville, le gouvernement congolais réaffirme sa capacité d’accueil institutionnel et son engagement en faveur des initiatives multilatérales de santé. Cette conjonction d’intérêts croisés nourrit un capital confiance propice aux futures négociations sur la culture. Elle rappelle surtout que la coopération internationale n’est pas une succession de dossiers étanches : la réussite de l’OMS-Afrique à Brazzaville pourrait, par un subtil jeu de miroirs, consolider la stature de la capitale congolaise lorsque l’Unesco, en 2025, évaluera le leadership potentiel de Matoko.
Jeunesse congolaise : enjeux de représentativité et d’opportunités
Pour les jeunes adultes du Congo, souvent connectés aux grands débats mondiaux via les réseaux numériques, voir un compatriote briguer la direction de l’Unesco revêt une portée symbolique forte. Au-delà du prestige, l’accession d’un Africain à ce poste pourrait accélérer l’inclusion de programmes alliant entrepreneuriat culturel, alphabétisation numérique et sauvegarde du patrimoine immatériel. À Brazzaville, certaines incubatrices culturelles évoquent déjà l’opportunité de développer des passerelles avec l’Unesco Creative Cities Network, tandis que les universités locales espèrent des bourses ciblées. Le ministère des Affaires étrangères, qui coordonne la campagne, assure pour sa part que « les retombées seront tangibles pour la jeunesse, qu’il s’agisse de mobilité académique ou d’expertise technique ». Cette promesse s’inscrit dans la volonté affichée par le gouvernement de capitaliser sur la diplomatie culturelle pour diversifier l’économie et, in fine, consolider la cohésion nationale.
Vers Samarcande 2025 : cap sur une mobilisation continentale
La route vers Samarcande passe par une série de consultations protocolaires où chaque capitale compte. Le passage de Jean-Claude Gakosso à Dar Es Salaam aura ainsi ouvert une phase décisive de la campagne, faite de convergences subtiles et de promesses réciproques. Les analystes observent que le timing choisi, plus d’un an avant l’élection, permet de bâtir une dynamique sans précipitation, tout en laissant une marge aux ajustements diplomatiques. D’ici à la fin de l’année, d’autres partenaires stratégiques, tels que le Kenya, le Rwanda ou l’Afrique du Sud, devraient être approchés. Pour Brazzaville, l’enjeu dépasse la simple nomination : il s’agit d’affirmer sa place dans la gouvernance mondiale de la culture, d’inscrire la jeunesse congolaise dans des réseaux internationaux, et de démontrer que la diplomatie africaine sait conjuguer pragmatisme économique et ambition intellectuelle. Les pas effectués en Tanzanie constituent, à ce titre, un jalon significatif d’une offensive diplomatique menée avec discernement et constance.