Une session décisive à Paris
Lundi 6 octobre, les couloirs boisés du siège de l’UNESCO, dans le quinzième arrondissement de Paris, ont vibré d’un calme électrique. Les cinquante-huit membres du Conseil exécutif, masques en main, se sont installés pour une 222e session promise à écrire l’Histoire.
Au terme de moins d’une heure de vote, l’Égyptien Khaled El-Enany a recueilli 55 voix, laissant seulement deux suffrages au candidat congolais Firmin Edouard Matoko et un bulletin blanc. Une victoire nette saluée par des applaudissements nourris, rare moment d’unanimité diplomatique.
Qui est Khaled El-Enany ?
Né au Caire en 1971, Khaled El-Enany est surtout connu chez les passionnés de pharaons pour avoir dirigé le Ministère égyptien du Tourisme et des Antiquités entre 2016 et 2022, période marquée par l’inauguration du Grand Musée national et la médiatisation des momies royales.
Archéologue de formation, polyglotte, il a bâti sa réputation sur une science rigoureuse alliée à un sens aigu de la communication digitale. Ses interventions sur TikTok, où il glissait des anecdotes sur les pyramides, ont séduit une jeunesse arabe avide de contenus culturels accessibles.
Devant le Conseil exécutif, il a promis de « faire rayonner la connaissance à l’ère des réseaux sociaux, sans jamais sacrifier la rigueur scientifique ». Une phrase reprise en boucle sur Twitter, reflet de l’attente forte autour de la modernisation des programmes de l’Organisation.
Le parcours du candidat congolais
Face à lui, Firmin Edouard Matoko n’a pas démérité. Ancien directeur adjoint de l’UNESCO, il a porté haut les couleurs du Congo-Brazzaville, rappelant sa connaissance interne des rouages, son engagement pour l’éducation des filles et sa maîtrise du dialogue intercontinental.
Lors de son discours, il a insisté sur l’urgence d’un financement stable pour les programmes destinés au continent africain. « L’action culturelle n’a de sens que si elle s’appuie sur des budgets lisibles », a-t-il déclaré, réaffirmant la solidarité panafricaine devant un auditoire attentif.
S’il n’a obtenu que deux voix, plusieurs observateurs soulignent que la position de Matoko au sein de la haute administration de l’UNESCO pourrait devenir un atout pour les dossiers congolais. Son équipe a d’ailleurs évoqué une possible collaboration renforcée avec le futur directeur général.
Ce que change ce vote pour l’Afrique
Avec un Égyptien porté à la tête de l’Organisation, c’est la sixième fois que le continent africain prend les rênes de l’UNESCO. Pour les diplomates, ce choix conforte la dynamique d’une Afrique porteuse de projets culturels innovants et capable de peser sur les grands arbitrages.
Les capitales d’Afrique centrale tablent déjà sur un accès plus fluide aux fonds dédiés au patrimoine immatériel et à la formation scientifique. Brazzaville s’intéresse de près au programme de préservation des langues nationales, tandis que Pointe-Noire rêve de labelliser ses savoir-faire artisanaux.
Interrogé sur RFI, le professeur Gabonais Daniel Ona Ondo estime que « la désignation d’El-Enany crée une fenêtre diplomatique où l’Afrique doit parler d’une seule voix ». Selon lui, la présence de Matoko dans le cercle rapproché garantit la continuité des dossiers centrafricains.
Prochaines étapes à Samarcande
La Conférence générale doit encore entériner le choix du Conseil exécutif le 9 novembre, dans la ville mythique de Samarcande. L’adoubement est en principe formel, mais les délégations profiteront de ce rendez-vous pour négocier les futures vice-présidences et les présidences de commission.
Khaled El-Enany prendra officiellement ses fonctions le 14 novembre, date à laquelle Audrey Azoulay lui remettra les clés symboliques du bureau situé au septième étage du siège parisien. Dans la foulée, il dévoilera sa feuille de route quadriennale, attendue sur la question du numérique éducatif.
Selon des sources internes, il envisagerait la création d’un TikTok Lab au sein du département Communication, destiné à former des créateurs africains à vulgariser la science. Le projet, encore confidentiel, pourrait être présenté dès décembre, suscitant l’intérêt de plusieurs start-up congolaises du secteur EdTech.
Réactions à Brazzaville et Pointe-Noire
À la sortie des cours universitaires, le nom d’El-Enany circule déjà sur les groupes WhatsApp étudiants. Patrick, 22 ans, étudiant en sociologie, voit dans cette élection « un signe que la culture peut être un tremplin économique ». Pour lui, l’Égypte prouve qu’un patrimoine bien valorisé attire des devises.
Du côté des institutions, le ministère congolais de la Culture a salué « la brillante trajectoire » du nouveau dirigeant tout en félicitant Firmin Edouard Matoko pour « sa contribution exemplaire à la diplomatie culturelle ». Un communiqué évoque déjà la relance du dossier d’inscription du Makayabu sur la liste du patrimoine immatériel.
Sur Twitter, la communauté congolaise de la diaspora a lancé le hashtag #UNESCongo pour encourager les jeunes chercheurs à postuler aux bourses de l’agence. En quelques heures, le mot-dièse a généré plus de dix-mille interactions, démontrant l’appétit d’une génération connectée pour les programmes internationaux.
Ainsi, loin d’être une simple page de nomination, le vote de Paris ouvre un nouveau chapitre où le Congo-Brazzaville, l’Égypte et l’ensemble du continent peuvent conjuguer leurs forces pour faire de la science et de la culture un levier puissant de développement partagé.
