Paris : l’UNESCO choisit son nouveau patron
Sous les lustres du siège de l’UNESCO, vendredi 6 octobre, les 58 États membres du Conseil exécutif ont tranché à bulletins secrets. L’Égyptien Khaled El-Enany décroche le fauteuil de directrice générale avec 55 voix, succédant à la Française Audrey Azoulay.
Le Congolais Firmin Edouard Matoko, seulement deux voix, arrive loin derrière malgré une longue carrière interne à l’organisation. L’élection, organisée à huis clos, aura duré moins d’une heure, révélant l’écart entre les réseaux diplomatiques des deux candidats.
Le parcours d’excellence de Firmin Matoko
Né à Brazzaville, ancien élève de Sorbonne Nouvelle, Matoko a gravi les échelons onusiens durant trois décennies. Sous-directeur général en charge de la priorité Afrique, il a piloté de vastes programmes d’alphabétisation et de sauvegarde du patrimoine immatériel.
Ses collaborateurs louent sa connaissance fine des mécanismes internes. « Firmin sait lire un budget UNESCO comme un roman », sourit un fonctionnaire rencontré dans les couloirs. Cette maîtrise technique faisait de lui, sur le papier, l’un des favoris déclarés.
Un duel diplomatique serré sur fond d’intérêts
Pour le journaliste économique Alphonse Ndongo, les votes reflètent surtout « la réelle diplomatie, celle qui s’opère dans les salons ». L’Égypte courtisait les capitales depuis 2020, promettant soutien culturel et partenariats touristiques, tandis que la campagne congolaise a débuté tardivement ce printemps.
Dans un contexte de crise du multilatéralisme, chaque voix se négocie. Les États cherchent des retombées concrètes pour leurs universitaires, musées ou sites classés. Les observateurs parlent d’un « dealmaking discret » où l’expertise personnelle compte moins que la capacité à mobiliser des financements.
Les clés d’une campagne éclair côté congolais
Selon nos informations, l’annonce officielle de la candidature est intervenue en mars, laissant à peine six mois pour parcourir les capitales décisionnaires. Matoko a néanmoins visité Addis-Abeba, Abou Dhabi, Bruxelles et Pékin pour défendre la vision d’une UNESCO plus inclusive.
Brazzaville mise sur le soft power culturel : Festival Panafricain de Musique, Pôle numérique urbain, laboratoire de la Rumba classée patrimoine mondial. Mais l’argument n’a pas suffi face aux promesses égyptiennes de coproductions muséales et de fouilles archéologiques financées par Le Caire.
Regards d’experts sur la stratégie future
Pour l’analyste politique Carine Mavou, le résultat n’est pas une défaite de compétences mais un signal appelant à réinventer la diplomatie économique congolaise. « Nos talents existent, il faut les accompagner sur la durée, avec un storytelling clair et des alliances ciblées » explique-t-elle.
Les think tanks de la capitale suggèrent déjà des ateliers de formation à la négociation pour les futurs porte-étendards. L’idée : bâtir un réseau continental solide avant de briguer des postes globaux. La compétence technique est acquise, reste à muscler l’influence et le marketing.
Quel impact pour l’image du Congo ?
Sur les réseaux, la déception a vite cédé la place à la fierté d’avoir vu un compatriote en lice. De nombreux internautes saluent le courage de Matoko. Les hashtags #Team237Matoko et #CongoAtUNESCO ont généré plus de deux millions d’impressions en 24 heures.
Pour le sociologue Urbain N’Gol, ces réactions prouvent la montée d’un patriotisme digital autour des figures d’excellence. « Même sans victoire, le simple fait d’être candidat place le Congo dans la conversation globale », insiste-t-il, rappelant l’importance de la visibilité sur la scène multilatérale.
Prochaine étape : validation à Samarkand
La décision du Conseil exécutif doit encore être entérinée par la Conférence générale en novembre à Samarkand. Il s’agit d’une formalité, mais l’événement servira de tribune au nouveau directeur pour présenter ses grandes orientations, notamment la sauvegarde du patrimoine en zones de conflit.
Le Congolais sera présent à Samarkand en qualité d’observateur, confirmant la volonté de rester acteur des débats multilatéraux.
Matoko, déjà tourné vers d’autres défis
Joint par téléphone, Firmin Matoko s’est dit « serein » et « fier du chemin parcouru ». Il assure vouloir continuer à promouvoir la francophonie scientifique et la priorité Afrique au sein d’autres instances. « Le combat pour l’éducation se joue partout », résume-t-il.
Dans les couloirs du ministère congolais des Affaires étrangères, on évoque déjà de nouvelles responsabilités. Certains diplomates imaginent l’ancien candidat piloter un fonds d’innovation éducative continental, idée en discussion avec l’Union africaine. Aucune confirmation officielle, mais le signal témoigne d’une confiance intacte.
Leçons pour les futures candidatures congolaises
Au-delà du score, cette première incursion congolais dans la course à la direction générale de l’UNESCO offre un précieux retour d’expérience. Elle met en lumière la nécessité d’anticiper, de bâtir des coalitions régionales et de raconter une histoire susceptible de séduire les bailleurs.
Analystes et étudiants en relations internationales notent que l’appui institutionnel reste fort : le gouvernement a officiellement soutenu Matoko et facilité ses déplacements. Désormais, il s’agira de capitaliser sur cet élan pour former une nouvelle génération de négociateurs capables d’occuper demain des positions clés.
Une page se tourne, la dynamique continue
L’élection du 6 octobre n’aura pas livré le résultat espéré, mais elle aura mis sous les projecteurs la diplomatie congolaise en quête de rayonnement. À l’heure des bilans, beaucoup retiennent surtout l’audace de se porter candidat et la conviction qu’un jour, l’histoire tournera.