Une naissance qui s’inscrit dans l’histoire agricole nationale
En annonçant officiellement, à Brazzaville, la création de l’Union congolaise des coopératives, des producteurs et artisans du Congo, Sidney N’se a rappelé que la terre congolaise fut de tout temps un réservoir d’ingéniosité. Selon lui, l’Unicoopac hérite des sociétés de villages, des tontines rurales et des syndicats agricoles qui, depuis l’indépendance, n’ont cessé d’expérimenter la mutualisation des moyens de production. La nouveauté réside dans la structuration institutionnelle : l’organisation entend parler d’une seule voix pour un secteur jusque-là morcelé, offrant ainsi aux cultivateurs un statut d’interlocuteur unique auprès des administrations, des bailleurs et des marchés continentaux. Cette articulation entre tradition communautaire et gouvernance moderne a été saluée par plusieurs responsables techniques présents à la conférence de presse.
Former pour transformer : le socle d’une professionnalisation durable
L’une des priorités affichées consiste à bâtir une ingénierie de formation adaptée aux réalités agro-écologiques nationales. L’Unicoopac projette de déployer des modules sur la gestion coopérative, l’utilisation raisonnée des intrants et la comptabilité rurale, tout en s’appuyant sur les centres d’excellence répartis dans les départements. « Sans compétences, point de productivité », insiste Sidney N’se, précisant que la jeunesse constitue le cœur de cible de ces sessions. Les partenariats envisagés avec les universités et les instituts techniques devraient contribuer à faire émerger une génération d’agro-entrepreneurs capables d’inscrire leurs exploitations dans des chaînes de valeur régionales. L’objectif implicite est de substituer progressivement les importations par une offre locale compétitive.
Industrialiser les filières, de la parcelle au marché sous-régional
Au-delà de la formation, l’organisation place l’industrialisation des filières au cœur de sa stratégie. Manioc, maïs, tomate ou cacao : chaque spéculation dispose, selon les responsables, d’un potentiel de transformation encore sous-exploité. L’Unicoopac souhaite accompagner l’implantation de petites unités agro-alimentaires, allégeant ainsi les surcoûts logistiques qui grèvent la compétitivité nationale. Cette ambition s’aligne sur le Plan national de développement 2022-2026 qui identifie l’agro-industrie comme un levier majeur de croissance inclusive. Pour les économistes, l’intégration horizontale promise par la plateforme pourrait stabiliser les prix, sécuriser les débouchés et accroître les recettes d’exportation, particulièrement dans la zone de libre-échange continentale.
Dialogue privilégié avec l’État : un catalyseur de politiques publiques
Le président de l’Unicoopac se veut clair : la plateforme n’entend pas se substituer aux pouvoirs publics, mais jouer un rôle de courroie de transmission entre terrain et décideurs. Cette posture de plaidoyer concerne notamment l’accès au foncier, la fiscalité incitative et la mise en place de circuits de commercialisation transparents. Dans la lignée du chef de l’État qui a fait de la souveraineté alimentaire un marqueur de son action, l’organisation propose des données consolidées, issues de ses coopératives membres, pour éclairer la prise de décision. Plusieurs directeurs départementaux de l’agriculture présents lors du lancement ont salué « une démarche pragmatique, orientée résultat », augurant d’un partenariat institutionnel renforcé.
Jeunesse engagée et sursaut national : les racines d’un patriotisme agricole
L’appel de Sidney N’se à « un sursaut national » résonne particulièrement auprès des 20-35 ans, nombreux à chercher dans l’agro-business une alternative crédible à l’économie pétrolière. En mettant l’accent sur la rentabilité des petites et moyennes exploitations, l’Unicoopac valorise un patriotisme concret : nourrir la population par la production locale. Plusieurs jeunes entrepreneurs témoignent déjà des gains obtenus grâce au regroupement des achats d’intrants, à la mutualisation de la logistique et à la négociation collective des prix. Cette dynamique, encore embryonnaire, laisse présager un renouvellement sociologique du monde rural, avec des retombées attendues sur l’emploi et la cohésion territoriale.
Du local au continental : intégrer la grande ZLECAF
Dernier chantier, et non des moindres : l’arrimage de la production congolaise aux exigences de la Zone de libre-échange continentale africaine. L’Unicoopac mise sur sa capacité à agréger l’offre de multiples coopératives pour répondre aux standards qualitatifs et quantitatifs imposés par les marchés voisins. Les responsables évoquent déjà des discussions avec des distributeurs d’Afrique centrale pour la fourniture de produits transformés à forte valeur ajoutée. Cette projection internationale ne fait sens, rappelle la plateforme, qu’à condition de consolider d’abord la sécurité alimentaire domestique. L’articulation entre consommation nationale et exportation régionale constitue donc l’équation stratégique que l’organisation veut résoudre dans les cinq prochaines années.
Un horizon de confiance pour les producteurs
Au terme de cette présentation officielle, l’Unicoopac apparaît comme un trait d’union prometteur entre ambitions gouvernementales et réalité des champs. Son plan d’action, fondé sur la formation, l’industrialisation et le dialogue institutionnel, s’inscrit dans la continuité des objectifs nationaux de diversification économique. Reste désormais l’épreuve du terrain : la capacité à mobiliser des financements, à convaincre les producteurs isolés et à livrer des résultats mesurables. Les prochains bilans, attendus dès la prochaine campagne agricole, permettront d’évaluer la portée concrète de ce nouvel outil collectif. Pour l’heure, nombreux sont les agriculteurs qui disent y voir une raison supplémentaire de croire au potentiel nourricier du Congo.