Un terreau fertile encore sous-exploité
Du Kouilou aux plaines de la Cuvette, le Congo dispose de plus de dix millions d’hectares de terres arables, arrosées par un réseau hydrographique dense et baignées d’un climat équatorial propice à plusieurs cycles culturaux par an. Pourtant, la production nationale ne couvre qu’un tiers des besoins alimentaires, obligeant le pays à importer près de 70 % de ses denrées de base. Ce paradoxe nourrit une réflexion stratégique chez les économistes du développement : comment convertir cette abondance écologique en richesse concrète, en emplois et en devises ? Les récents chiffres de la Banque mondiale confirment que le secteur primaire pourrait doubler sa contribution au PIB si la mécanisation, la formation et la logistique post-récolte étaient renforcées. C’est dans cette perspective que se positionne l’Union congolaise des coopératives, producteurs et artisans du Congo, lancée en juin 2025 sous la houlette d’Aser Sidney N’se Adzeney.
UNICOOPAC, catalyseur d’une renaissance agraire
Présentée par son président comme « une force de proposition et un pont entre producteurs et pouvoirs publics », l’UNICOOPAC ambitionne d’incarner un syndicat nouvelle génération, moins revendicatif que bâtisseur. L’organisation se dote d’un triptyque d’action : plaidoyer institutionnel, mutualisation des moyens de production et incubation de projets agro-industriels. Selon Mme Joël Longonda, marraine de la plateforme, « la consolidation du tissu coopératif constitue le socle d’une agriculture compétitive, à même de résister aux chocs climatiques et aux fluctuations des prix mondiaux ». Dès ce second semestre 2025, des sessions de formation seront déclinées dans les douze départements, tandis qu’un programme pilote de centres de mécanisation partagée est en négociation avec les ministères techniques. L’enjeu est clair : substituer à la houe traditionnelle un parc de tracteurs et de moissonneuses, afin d’augmenter les rendements et de réduire la pénibilité du travail rural.
ZLECAF, passerelle continentale pour les filières locales
Entrée dans sa phase opérationnelle, la zone de libre-échange continentale africaine ouvre au Congo un marché potentiel de plus d’un milliard de consommateurs. « Le potentiel est immense, mais il ne suffit pas d’avoir accès au marché, il faut produire, car un peuple qui ne produit pas n’est pas libre », avertit Aser Sidney N’se Adzeney, reprenant les mots du président Denis Sassou Nguesso. L’UNICOOPAC entend positionner le manioc transformé, les fruits tropicaux séchés et le café robusta comme fers de lance de l’exportation made in Congo. Pour y parvenir, la conformité aux normes sanitaires du continent et la certification biologique figurent en tête de priorités. Les économistes rappellent que chaque dollar investi dans l’agro-transformation génère jusqu’à trois dollars de valeur ajoutée dans les services logistiques, le packaging et la distribution, d’où l’importance d’un écosystème industriel complet.
Jeunesse, technologie et souveraineté alimentaire
Âgés de 20 à 35 ans, près des deux tiers des Congolais constituent une force démographique décisive. Encore faut-il rendre la terre attractive pour des diplômés familiers des réseaux sociaux et des solutions numériques. L’UNICOOPAC prévoit d’incuber des start-up agri-tech œuvrant dans le pilotage par drones, l’irrigation intelligente et la traçabilité blockchain des chaînes de valeur. Pour Léon Mikangou, ingénieur agronome, « l’alliance de la data et du savoir-faire rural peut révolutionner nos rendements plus sûrement qu’un apport massif de capitaux ». Le syndicat mise également sur le financement participatif, par lequel la diaspora pourrait co-investir dans des fermes connectées. En filigrane, l’objectif demeure la souveraineté alimentaire, concept qui, au-delà de l’autosuffisance, intègre l’idée d’un contrôle national sur les savoirs, les semences et les outils de distribution.
Vers une synergie public-privé renouvelée
Les réformes engagées ces dernières années – facilitation de l’accès au foncier, exonérations ciblées pour les équipements agricoles, création de zones économiques spéciales – constituent un terreau institutionnel favorable. L’UNICOOPAC entend y adosser un dialogue permanent avec les ministères de l’Agriculture, des Finances et de la Jeunesse afin d’aligner fiscalité, crédit et formation. Selon un rapport du Centre national de statistiques, la réduction de 10 % des importations alimentaires libérerait chaque année une enveloppe équivalente au budget d’un programme national de cantines scolaires, illustrant la portée sociale de la démarche. En consolidant la confiance entre l’État et les coopératives, en structurant des chaînes de valeur compétitives et en valorisant l’énergie des jeunes, l’UNICOOPAC aspire à labourer non seulement la terre, mais aussi l’avenir économique du Congo.