Brazzaville mobilisée contre le VPH
Brazzaville vibre encore au rythme de la rentrée sanitaire : le Dr Michèle Mountou, directrice de la santé de la reproduction, y a lancé un message musclé aux femmes et aux adolescentes, leur demandant de prendre rendez-vous pour la vaccination contre le papillomavirus humain, alias VPH.
Cette infection silencieuse, sexuellement transmissible, est identifiée comme la première cause du cancer du col de l’utérus, un mal qui tue encore près de 400 Congolaises chaque année selon les chiffres du Programme national de lutte contre le cancer.
Un virus discret mais dangereux
Le VPH se transmet lors des rapports sexuels, parfois dès les tout premiers contacts. Dans la majorité des cas, l’organisme élimine le virus tout seul. Mais chez certaines femmes, des lésions précancéreuses s’installent lentement, souvent sans aucun symptôme audible.
« Le stade précoce est muet, c’est ce qui le rend dangereux », insiste le Dr Mountou dans notre interview. La spécialiste rappelle que les tests de dépistage, type frottis cervico-utérin, restent le moyen le plus sûr de repérer ces cellules anormales avant qu’elles ne virent au cancer.
Pourquoi la vaccination change la donne
Le vaccin anti-HPV couvre jusqu’à neuf souches virales, dont les plus oncogènes. Administré entre 9 et 14 ans, avant le début d’une vie sexuelle active, il permet à l’organisme de fabriquer des anticorps capables de neutraliser le virus dès son entrée.
Au Congo, le ministère de la Santé a introduit le vaccin dans le calendrier élargi de vaccination depuis 2022, moyennant une gratuité totale dans les centres publics, rappelle le Dr Mountou. Elle salue « un engagement fort de l’État pour la santé de la femme ».
Les recommandations du Dr Mountou
Outre la piqûre salvatrice, la spécialiste conseille de retarder l’âge du premier rapport, d’utiliser le préservatif de façon régulière, de limiter le nombre de partenaires et, surtout, de cesser la consommation de tabac et de chicha, facteurs connus pour booster l’agressivité du virus.
Elle encourage également les femmes actives, même vaccinées, à programmer un frottis tous les trois ans à partir de 25 ans. « La prévention secondaire complète la primaire ; l’une sans l’autre, c’est ouvrir la porte aux surprises désagréables », souligne-t-elle.
Des jeunes femmes témoignent
À Talangaï, Nadège, 19 ans, vient de recevoir sa deuxième dose. « Au début j’avais peur de l’aiguille, mais l’infirmière m’a expliqué que c’est comme un bouclier invisible », raconte-t-elle, sourire aux lèvres, avant de partager la photo du pansement sur Instagram.
Même écho à Pointe-Noire, où Clarisse, étudiante en marketing, dit avoir convaincu trois amies grâce aux stories du ministère sur TikTok. « Ici, on partage les bons plans santé comme on partage un coupon data », plaisante la jeune femme.
Que propose le programme national
Le Programme élargi de vaccination organise actuellement des caravanes mobiles dans les marchés, les lycées et les campus. Objectif : toucher 90 % des filles éligibles d’ici à 2025, conformément à la stratégie mondiale de l’Organisation mondiale de la santé.
Selon le Dr Ludovic Ibata, coordinateur du programme, la sensibilisation passe aussi par les leaders religieux et les influenceurs digitaux. « Nous devons transformer la vaccination en réflexe culturel, au même titre que la moustiquaire ou la ceinture de sécurité », insiste-t-il.
Traitements disponibles au Congo
Quand le cancer est déjà déclaré, l’arsenal thérapeutique reste diversifié. Les hôpitaux de Brazzaville proposent chirurgie conservative ou radicale, radiothérapie à haute énergie et chimiothérapie adjuvante. Des partenariats privés facilitent l’accès aux thérapies ciblées pour les formes avancées.
Le Pr Florent Nkoua, oncologue au CHU, observe une amélioration du pronostic grâce aux diagnostics plus précoces. « Depuis que les frottis se démocratisent, nous recevons des patientes à un stade I ou II, ce qui double les taux de survie à cinq ans », explique-t-il.
Néanmoins, le coût des traitements reste un défi pour certaines familles. Les mutuelles étudiantes et la Caisse nationale d’assurance maladie universelle couvrent désormais une partie des protocoles, une avancée saluée par les associations de patientes.
S’informer et se protéger au quotidien
Pour toute question, la ligne verte 3434 répond 24 h/24. Des comptes WhatsApp diffusent des vidéos explicatives en lingala et en kituba. Le site gouvernemental santé.gouv.cg détaille également les points de vaccination, mis à jour chaque semaine.
Les experts insistent : une bonne hygiène de vie, riche en fruits et légumes, pauvre en alcool, soutient le système immunitaire et augmente les chances d’éliminer naturellement le virus. Le sport régulier, même une marche de trente minutes, fait la différence.
Au final, la stratégie est simple : prévenir, dépister, traiter. Les outils existent déjà, portés par une volonté politique affichée. Reste à chaque citoyenne, et à chaque citoyen, de passer à l’action pour que le cancer du col devienne, demain, une maladie évitable.
Les organisations de la société civile, telles que le Réseau des jeunes pour la santé, préparent une campagne de micro-influence en novembre. Vidéos danse, challenges hashtags et concerts pédagogiques sont au menu pour faire passer le message de protection avant les fêtes de fin d’année.