Vision 2010 fait vibrer Brazzaville
Le climat sonore de la capitale congolaise se réchauffe à grande vitesse : Vision 2010, concours orchestré par l’ONG Samda Congo, promet un marathon de décibels du 7 novembre au 28 décembre dans l’enceinte culte Sony Labou Tansi, à Brazzaville.
Organisateurs, artistes et influenceurs locaux teasent déjà l’événement sur TikTok, et les hashtags #Vision2010 et #BrazzaBeat cumulent des milliers de vues, preuve que la jeunesse urbaine attend avec appétit la révélation de nouveaux flow et d’histoires fortes.
Pour Bernard Bitanda, secrétaire général de Samda Congo, « Vision 2010 est moins un concours qu’une conversation sociale où la musique sert de porte-voix aux causes citoyennes ». L’objectif est clair : repérer, coacher et propulser des talents capables d’inspirer la communauté.
Un tremplin musical à portée citoyenne
Vision 2010 s’appuie sur le modèle des open mic : chaque mercredi et samedi, des rappeurs, chanteuses afro-pop ou slameurs montent sur scène avec deux titres inédits, puis répondent aux questions d’un jury mêlant producteurs, journalistes et représentants associatifs.
La nouveauté, c’est le coaching collectif baptisé « Lab Speech ». Entre deux prestations, des intervenants expliquent comment gérer une chaîne YouTube, négocier un contrat de scène ou éviter les fake news liés à la santé publique, un thème cher à l’ONG.
Selon les chiffres communiqués par Samda Congo, plus de 120 candidatures ont été enregistrées en dix jours, en provenance de Mfilou à Talangaï. Une présélection live sur Instagram permettra au public de choisir deux artistes repêchés, renforçant l’aspect participatif recherché.
Sony Labou Tansi, scène mythique
Choisir l’espace Sony Labou Tansi n’est pas anodin. Ce centre culturel public, inauguré en 2003, a vu défiler des figures comme Zao ou Yekima. Ses murs colorés et sa cour ombragée offrent un cadre intimiste où le hip-hop peut résonner sans filtre.
La direction du centre, soutenue par le ministère de la Culture, assure qu’elle mettra à disposition une connexion fibre et un dispositif de captation multicam afin de valoriser les shows sur YouTube et toucher la diaspora congolaise en temps quasi réel.
La vague rap d’Afrique centrale
Sur les réseaux, le buzz autour de Vision 2010 rencontre la vague rap d’Afrique centrale portée par deux grosses sorties : « Le Sauveur » de Benjamin Epps et Lous and the Yakuza, ainsi que « CMQP » signé Poison Mobutu, Mac Tyer et Sinto Pap.
« Le clip de Benjamin Epps mélange réalisme et animé, on dirait un film Marvel made in Libreville », commente Junior Loemba, youtubeur brazzavillois spécialisé pop culture. Publiée début août, la vidéo frôle déjà le million de vues, dopée par des challenges danse.
De son côté, Poison Mobutu mise sur un storytelling street, tourné dans les artères de la capitale, où s’entremêlent sapeurs, mototaxis et graffeurs. Le refrain « ça marche quoi poto » fait écho au quotidien brazzavillois et pourrait devenir l’hymne officieux de la fin d’année.
La playlist qui tourne sur les enceintes des bars va bien au-delà du rap. Les beats zouk de Misie Sadik, la vibe créole de Maya Kamaty ou la douceur afro-love de Santrinos Raphaël élargissent le spectre et attestent d’un public avide de diversité.
Mode d’emploi et perspectives
Pour participer à Vision 2010, les candidats envoient un lien audio ou vidéo de moins de trois minutes par WhatsApp, avant de confirmer leur présence sur place. Les inscriptions restent gratuites, une décision voulue pour éviter que le manque de moyens n’écarte des pépites.
Les finales seront diffusées en direct sur Télé Congo ainsi que sur la page Facebook du ministère de la Jeunesse, offrant une portée nationale. Les gagnants remporteront un single produit en studio professionnel et un mini-tour dans les campus de Brazzaville et Pointe-Noire.
Bernard Bitanda souligne que le projet s’inscrit dans la vision gouvernementale de promotion des industries créatives, secteur identifié comme levier de croissance et d’emploi jeune. « L’État crée le cadre, nous apportons le contenu », résume-t-il, saluant l’accompagnement logistique des collectivités.
Guy Antoine Pepawang, venu de Nkongsamba, voit dans l’initiative un pont culturel entre Congo et Cameroun. Son association combat la précarité par le hip-hop solidaire. Il animera un atelier sur la micro-entreprise musicale, preuve que l’alliance art et développement gagne du terrain.
À l’heure où les algorithmes dictent les tendances, Vision 2010 rappelle qu’un micro et une cour peuvent encore changer des destinées. Si le programme tient ses promesses, la scène congolaise pourrait offrir, dès janvier, de nouveaux visages à suivre sur toutes les plateformes.
Les sponsors ne s’y trompent pas : une marque de boisson énergisante locale, une fintech et un opérateur télécom fourniront dotations et connexions 4G illimitées aux artistes. Un partenariat gagnant-gagnant qui montre que la culture urbaine attire désormais des investissements sérieux.
En attendant le coup d’envoi, les organisateurs invitent le public à proposer des thèmes de freestyle via Instagram Stories. De la lutte contre le palu aux rêves d’entrepreneuriat, les idées affluent, preuve qu’au Congo-Brazzaville la musique reste l’outil de narration privilégié.
