Visite stratégique du Dr Mohamed Janabi
Brazzaville s’est réveillée ce 22 juillet sous le signe de la coopération sanitaire. À l’intérieur du complexe vitré de l’OMS, le Dr Mohamed Yakub Janabi, fraîchement nommé directeur régional pour l’Afrique, a serré des dizaines de mains enthousiastes, illustrant la dimension humaine d’un mandat tourné vers l’action.
Aux côtés du représentant pays, Dr Vincent Sodjinou, il a rappelé que l’OMS « reste avant tout au service des communautés ». La salle, remplie de jeunes épidémiologistes congolais, a accueilli ces mots comme une invitation à accélérer les projets alignés sur le Plan national de développement sanitaire.
Le bureau pays, souvent cité en interne comme un « laboratoire d’excellence », dispose d’équipes mixtes capables d’intervenir du littoral aux plateaux batékés. Dr Janabi veut en faire une vitrine régionale : efficacité administrative, bien-être au travail et résultats mesurables doivent, selon lui, devenir la norme.
Priorité aux soins de santé primaires
Dans un échange à huis clos, il a salué la « vision résolue » des autorités sanitaires congolaises, soulignant que les investissements publics récents dans les centres intégrés de santé consolident l’ambition présidentielle d’une couverture sanitaire universelle d’ici 2030, une échéance qui mobilise déjà les partenaires techniques et financiers.
Premier axe retenu, les soins de santé primaires demeurent la pierre angulaire de l’approche recommandée par l’OMS. Dans la périphérie de Brazzaville, le centre de Mfilou montre déjà les effets : consultations gratuites pour les enfants, suivi des grossesses et pharmacie communautaire diminuant les dépenses des ménages modestes.
Selon les chiffres présentés, la couverture vaccinale contre la rougeole est passée de 52 % en 2019 à 71 % en 2024. « Chaque pourcentage gagné équivaut à des milliers de vies non brisées », rappelle le pédiatre Arsène Kifoueti, soutenu par les jeunes volontaires médicaux qui sillonnent quartiers et villages.
Anticiper et gérer les épidémies régionales
Le Dr Janabi a encouragé une mobilisation accrue des ressources domestiques et innovantes. Il cite l’exemple du fonds santé-diaspora, initiative pilote où des Congolais de l’étranger cofinancent des kits obstétricaux. La plateforme mobile M-Mama, actuellement en test, permet déjà de suivre la traçabilité de ces contributions.
Mais la Région reste vulnérable aux flambées. Les rapports hebdomadaires du Centre africain de surveillance recensent vingt-cinq alertes actives, dont Ebola en Ouganda et choléra en RDC. Pour Dr Janabi, la seule réponse viable combine préparation communautaire, chaîne logistique robuste et partage rapide d’informations interfrontalières.
L’approche « Une seule Santé » s’invite alors dans la conversation. Au port fluvial de Loukolela, agents vétérinaires et infirmiers échangent déjà des données sur la qualité de l’eau et la mortalité aviaire. Ce croisement d’expertises, encouragé par l’OMS, limite l’effet domino entre faune, environnement et populations.
Le directeur régional a insisté sur le besoin d’accords transfrontaliers rapides. Une proposition de protocole entre Brazzaville et Kinshasa est à l’étude : partage de stocks de vaccins oraux, convoi fluvial sécurisé et équipes mixtes d’investigation prêtes à traverser le Pool Malebo en moins de deux heures.
Innovation jeunesse et financement local
La jeunesse congolaise suit ces débats de près. Étudiante en santé publique, Christelle Nguesso voit dans cette visite « une opportunité pour placer l’innovation locale au cœur des stratégies ». Ses camarades développent une application de télésuivi des fièvres suspectes, déjà téléchargée dix mille fois sur les marchés Android.
Le gouvernement appuie ces initiatives via le Fonds d’impulsion, de garantie et d’accompagnement. Un appel à projets a récemment permis de financer quinze start-ups e-santé, dont six dirigées par des femmes. Ce levier entrepreneurial renforce le tissu économique en plus d’apporter des réponses concrètes aux défis sanitaires.
Dans les couloirs du siège, l’atmosphère est studieuse mais optimiste. Le Dr Sodjinou confie que « le meilleur atout, c’est la passion des équipes locales ». Après la réunion, plusieurs agents ont prolongé l’échange autour d’un café, préparant déjà les tableaux de bord du prochain trimestre.
Perspectives et partenariats futurs
En fin de visite, le directeur régional a planté symboliquement un jeune iroko dans la cour, geste devenu rituel pour marquer l’empreinte durable d’un programme. L’arbre, dit-il, « grandira avec nos ambitions collectives ». Les applaudissements ont scellé une journée d’engagement partagé.
Au-delà des symboles, les attentes restent élevées. Les prochains mois verront l’élaboration d’une stratégie quinquennale Congo-OMS qui devra traduire en indicateurs précis les orientations présentées. Les jeunes professionnels, nombreux dans la salle, se disent prêts à transformer cette feuille de route en avancées palpables.
Pour l’instant, la visite apparaît comme un coup d’accélérateur plutôt qu’une simple étape protocolaire. Elle confirme l’ancrage du Congo dans les grandes priorités sanitaires continentales, tout en ouvrant un espace d’expression aux jeunes, appelés à devenir les artisans de la santé publique de demain.
Les partenaires techniques, de l’Unicef à la Banque mondiale, saluent également l’alignement des priorités. Un responsable régional confie qu’« une vision claire attire toujours des financements ». Des négociations pour une enveloppe de 120 millions de dollars dédiée à l’extension des laboratoires provinciaux seraient déjà bien avancées.
Pour beaucoup, le vrai défi sera de maintenir cet élan jusqu’en 2030.
